Un espace public bien connu des Balnéolais en quête de verdure, des personnages attachants… pour un récit rythmé, amusant que nous offre Louise ! Bonne lecture !
Une amitié de longue date
Vendredi 14 avril 2023 à 15h34.
Je suis en retard, j’ai descendu la coulée verte avec Croquette jusqu’à Fontenay-aux-Roses. Je marche lentement et fatigue vite, mais j’y arrive encore bien. Les vélos m’effraient à chaque fois, ils filent parfois si proches de mon chien que son beau poil gris se soulève. Si je ne donne pas assez de mou à sa laisse, Croquette tire fort et je me fais un peu emporter à chaque fois. Au contraire, si je lui offre trop de liberté, il s’en va récupérer toutes les cochonneries au sol, file vers ses congénères et ne prend pas garde aux vélos ou à la route. Enfin, à ma gauche, j’aperçois le Parc de Sceaux et ses hêtres dont les branches surplombent le haut grillage.
Croquette aboie car je l’empêche de se précipiter vers un staff, à la mâchoire carrée, très laide, comme celle de son propriétaire. Comme ce dernier avance droit vers moi avec sa bête, insoucieux de ma peur, je prends Croquette dans mes bras et le dévisage sévèrement. Une fois qu’il est passé, je ne repose mon chien que quand j’ai croisé les enfants bruyants et leur père incapable de les calmer, bien trop intéressés par mon petit pépère.
J’emprunte une entrée latérale du parc et marche péniblement dans la boue sous les pins, sur un sentier sinueux, méconnu des promeneurs qui n’ont pas de chien. Une fois la porte verte familière qui donne accès au parc canin débloquée, il m’est enfin permis de détacher Croquette !
Priant pour ne pas croiser trop de chiens catégorisés sans muselière et leurs jeunes maîtres irresponsables, j’avance sur le sentier principal, un peu moins parsemé de flaques d’eau que les autres. Le vilain Croquette ne peut s’empêcher d’y mettre les pattes et de ruiner son joli poil toiletté. Voilà que son gris luisant se constelle de tâches de boue.
Un husky fonce vers lui comme une voiture en excès de vitesse ; ses maîtres le rappellent en vain. Je manque de hurler mais fort heureusement, Croquette le fait pour moi. Crocs apparents, babines retroussées, il tient à distance cette brute, qui ne se rend même pas compte de son gabarit.
Je n’irais jamais avec Croquette au milieu de tous ces chiens trop grands si ce n’était pas pour celui que j’attends. Epuisée, je m’asseois sur un tronc d’arbre inconfortable, j’essaie d’oublier que mon pantalon risque de se trouer. Croquette se met entre mes jambes pendant que je refais mon chignon. Il regarde, circonspect, un épagneul et un golden retriever se bagarrer en grognant, comme s’il sentait que le jeu allait tourner au pugilat et qu’il faisait sa commère.
Finalement je l’aperçois, plus en retard que moi. Il marche d’un pas tranquille près de son maître tout débraillé. Un vrai punk à chien, celui-là. Le malinois se fait encercler par un groupe de chiens curieux qu’il chasse d’un claquement de mâchoire préventif, sans même dévier sa route ni accélérer son pas.
Il a un poil soyeux, un museau pointu, un masque noir et deux yeux marron en amande, qui se mettent à luire quand il aperçoit Croquette. Je l’entends gémir de joie, il relève son postérieur et se précipite vers son meilleur ami. Les deux chiens se dansent tout autour, puis, comme à son habitude, Tops le malinois met doucement sa patte sur Croquette pour le renverser. Son propriétaire me salue ; j’ai toujours un peu honte de le fréquenter, avec ses tatouages les uns sur les autres comme une feuille de journal sur laquelle on aurait imprimé plusieurs fois par erreur.
Cela faisait des années que je ne les avais pas vus. Ils étaient partis en voyage, avec un sac à dos et rien d’autre. Je me souviendrai toujours avec émotion du jour où Tops a sauvé la vie de Croquette. C’était ici même, mon petit yorkshire venait de se faire prendre à la gorge par un bâtard déchaîné, sans signaux préalable. Je hurlais de panique quand Tops a surgi, a saisi l’agresseur avec ses pattes arrière et lui a mordu la peau du dos. Le chien a lâché mon petit Croquette et s’est enfui, apeuré. Son propriétaire l’a rattaché et s’est confondu en excuses.Tops m’a regardé d’un air fier, assis, la langue pendante. Depuis, je n’ai jamais oublié Tops le malinois et son propriétaire, et nos chiens sont les meilleurs amis du monde.
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