« Jérémy et moi »

À Mots croisés s’associe au mois des Fiertés en publiant une série de récits autour du genre, imaginés après le spectacle « Desiderata » (voir actu précédente).

Nouveau récit de notre série autour du genre. Il est signé Carmen et nous projette dans l’enfance … Bonne lecture !

Jérémy et moi

J’ai un ami. C’est Jérémy et moi seule peut l’appeler Jerem.

Les garçons, je ne les aime pas. Mais Jerem ce n’est pas un garçon comme les autres mais il n’est pas une fille non plus ! Il est entre les deux et moi j’adore qu’il soit différent, unique, exceptionnel.

Jerem lui aussi n’aime pas les garçons, et pas plus les filles. Cela peut sembler bizarre mais moi je le comprends.

Je suis sa seule amie et Jerem dit toujours de moi que je suis un vrai garçon avec deux couettes et une robe à fleurs. Ça me va parfaitement.

Lui et moi, on ne se ressemble pas tellement. Il est doux, calme et posé. Je suis brute, épidermique et sauvage. Parfois, Jerem me dit qu’on a dû nous inverser, qu’il y a eu un bug quelque part. Nos parents n’aiment pas nous voir traîner tous les deux. Ma mère le trouve « efféminé ». Je ne sais pas trop ce que cela veut bien dire, mais je sens bien que ce n’est pas un compliment pour mon ami. Et de son côté, son père préférerait le voir jouer avec des garçons au lieu d’être en ma compagnie.

Certains jours, je suis vraiment en colère contre les adultes qui s’imaginent tout savoir. Et du haut de mon un-mètre-trente, je voudrais pouvoir trouver les mots pour leur dire que les gens ne sont pas roses ou bleus, que l’arc-en-ciel se met là où on l’attend le moins, que les sentiments n’ont pas de genre. Nous, on veut juste être des enfants, vivre les mêmes choses, ne pas être enfermé dans un moule garçon/fille.

Alors, Jerem et moi, on fait semblant de ne rien entendre et on continue à profiter de nos dix ans. De bâtir des empires de sables, de conquérir les rues, d’aller sauver des chatons orphelins, de discuter sans fin couchés dans l’herbe fraîche, à rêver d’un monde où chacun pourrait vivre selon ce qu’il est vraiment.