« Androgyne »

À Mots croisés s’associe au mois des Fiertés en publiant une série de récits autour du genre, imaginés après le spectacle « Desiderata » (voir actu précédente).

Le personnage d’Adélaïde est en proie à un foisonnement d’hypothèses, de questionnements, d’idées. Un récit qui incite à une deuxième lecture !

Androgyne

J’ai toujours été fascinée par les personnes androgynes. Celles qui semblent homme et femme en même temps. Celles pour lesquelles on ne peut pas dire vraiment quel sexe elles ont. J’aime cette incertitude, cette curiosité que ça déclenche en moi. Et j’aime les interrogations qui jaillissent dans ma tête alors : qu’est-ce qui fait que je suis une femme, qu’on m’identifie en tant que femme, que je me sens femme ? est-ce que c’est juste une apparence ? un comportement ? un sentiment ?

J’aime ces silhouettes androgynes, sur lesquelles on ne peut accrocher aucune étiquette, aucun comportement prédéfini. Une sorte d’œuvre unique, qui s’assume en tant que telle et ne se fond pas dans la masse. Je les admire et j’aimerai avoir, ressentir cette liberté d’être.

Je m’identifie en tant que femme, et les autres m’identifie en tant que femme. Et je ressens cette pression. Celle de leurs attentes. Et cette envie en moi de réagir à l’opposé. De ne pas être telle qu’ils attendent. Mais dans cette dynamique je n’existe pas vraiment. Je suis un cliché ou une réaction. Je ne suis pas moi.

Alors comment je fais ? C’est une question pour les gestes quotidiens. Est-ce que j’ai envie de mettre une robe ou bien je sais que, dans cette situation, on attend de moi que je sois féminine, apprêtée ? J’ai envie de mettre cette tenue moulante, je me sens confiante avec, mais est-ce qu’au travail je vais dégager la bonne image, est-ce qu’on va pas trop voir mon ventre, mes cuisses ? Est-ce que j’aime vraiment me maquiller ou est-ce une habitude inculquée ? Est-ce que j’ai vraiment envie de sourire à ce type qui me fait une blague ou bien est-ce la manière la plus polie, la plus gentille, la plus féminine, celle qui ne fait pas de vague de répondre ? Est-ce que parce que je suis une femme, je dois me faire moins ? Moins intelligente, moins sûre de moi ?

Couche par couche, je m’épluche et je me pose ces questions. Jusqu’à me sentie complétement perdue, jusqu’à ne plus savoir comment m’habiller le matin. Et quand je suis à nu, je cherche ma liberté. Celle que je suis à ce moment-là. Car, oui, j’ai dû apprendre que j’évoluais, que d’un jour à l’autre mes envies, mes libertés n’étaient pas les mêmes, que j’avais le droit de me définir un jour, puis le suivant différemment, que je pouvais être une facette et son contraire. Que je pouvais me sentir homme et femme. Ou ni l’un ni l’autre. Tout en me définissant comme femme.

Ça ne fait peut-être pas sens, mais sentir en moi ces limites s’estomper me donne ma liberté. Celle d’exister, celle de m’exprimer, celle d’avancer, celle d’essayer, celle de me tromper.

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