« Désaccordés »

Des gestes qui s’enchaînent en trois fragments imaginés par Adélaïde ! Bonne lecture de ces derniers récits de notre série « Fragments «  !

Désaccordés

Il pivote pour déposer son dos contre la paroi, et ses épaules se collent alors au métal glacé. Les vibrations de l’ascenseur se répercutent le long de sa colonne vertébrale. Le reste de son corps est cambré vers l’avant, imitant la tension d’un arc bandé. Son regard ne la quitte pas, évitant soigneusement le miroir à sa gauche, et l’image qui pourrait s’y refléter. Les bras croisés, la jambe droite légèrement décalée, il attend.

Un signe d’elle, un signe pour agir.

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Son profil se découpe sur le décor lointain des tours de la Défense. De sa bouche dépasse un stylo, la mine vers l’avant, le capuchon mâchonné prisonnier de ses lèvres. Sa nuque penchée vers l’avant pivote d’un écran à l’autre, suivant la souris maniée par sa main droite. La gauche se contente de taper paresseusement sur une touche ou deux. Au fur et à mesure des clics, elle sent la tension entre ses épaules s’installer. Mais elle garde le regard droit, elle s’empêche de divaguer, de contempler ses collègues, surtout lui. Non, il faut qu’elle reste concentrée, elle a un rapport à finir.

Et comme pour mieux regarder, ses sourcils se rapprochent jusqu’à créer une ride entre ses deux yeux.

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Sixième étage. Le souffle se fait laborieux. La respiration s’accélère. Deux paires de jambes synchronisées poussent sur leurs cuisses pour se hisser sur la marche suivante. Les quadriceps commencent à chauffer. La cage d’escalier résonne au rythme des inspirations et des semelles sur la moquette.

Le palier enfin. Alors que la première paire de jambes s’apprête à s’élancer sur la salve de marche suivante, une main chaude la retient. Le bras bloqué, elle se retourne le regard froncé. Il tire son bras doucement pour l’attirer à lui et elle résiste de toutes ses forces. Il la lâche alors, il a compris.

La litanie des pas reprend. Encore deux étages à monter. Mais le rythme, maintenant, est désaccordé.