« Le secret »

Nouveau récit signé Carole. Elle nous raconte un épisode de vacances en famille qui monte en puissance, à chaque ligne ou presque, pour finir en… Surprise, surprise ! Bonne lecture !  

Le secret

Mon père, qui voulait éviter les embouteillages du week-end du quatorze juillet, nous avait réveillés à cinq heures du matin. Une heure plus tard, nous étions sur la route, en direction du sud où mes grands-parents nous attendaient. La Peugeot avala, sans aucun imprévu, les sept cent cinquante kilomètres qui séparent Paris de Saint-Jean-de-Luz. Maman et Papa se relayaient au volant. Lucile, ma petite sœur, passait son temps à dormir, ne se réveillant que pour jouer avec son portable ou pour boire et manger. Après de nombreuses pauses, nous arrivâmes, enfin, à destination.

Papi et Mamie nous attendaient sur le balcon. Les stores de la maison étaient baissés pour se protéger des fortes températures de la journée. Ils nous accueillirent à bras ouverts, tout comme ma tante, Nathalie, et ses enfants : Mathieu, Thibault, Victor et Virginie. J’aimais beaucoup mes grands-parents. Je les trouvais si affectueux et permissifs, m’autorisant à reprendre des glaces au congélateur ou me laissant à mes rêveries solitaires. Après un déjeuner copieux où je me régalais de chipirons farcis et de tomates, je décidais de monter au grenier. Lentement, je gravissais les seize marches d’escalier.

La pièce à la charpente en bois massif comprenait une grande bibliothèque en bois, remplie des livres de mon grand-père : des livres d’anatomie, un Vidal. Il y avait aussi un bureau, un fauteuil et un lit où il avait pour habitude de faire la sieste. J’ouvris la fenêtre pour aérer. Un courant d’air chaud du dehors balayait mon visage. Comme un sèche-cheveux. J’observais les cumulus blancs dans le ciel, les bateaux sur l’océan, les maisons voisines aux toits rouge vif comme les piments d’Espelette. J’appréciais vivement cette escapade solitaire !

Un brin fatigué, je décidais de m’allonger sur le lit, le petit oreiller qui relevait ma nuque rendait la couche confortable. Il était imprégné de l’odeur de mon Papi. Mon regard s’arrêta sur le bureau, particulièrement encombré, des piles de livres, de papiers et une boîte en carton. Intrigué par son étiquette DOSSIER D’ADOPTION RAPHAËL, je me levais, décidé à découvrir son contenu. Je sortais chemise après chemise. L’une d’entre elles, de couleur jaune, particulièrement épaisse, affichait « Adoption de Raphaël – Octobre 1980 ».

Avec fébrilité, j’ouvrais les sous-chemises, une à une. J’y découvrais des billets d’avion pour le Mexique au nom de mes parents, des notes écrites par mon père (je reconnaissais l’écriture) et… un document « Acte d’adoption » du 11 décembre 1980 au nom de l’enfant Luis Ramirez, né le 10 juillet 1980 à 11 h 05 à Guadalajara, Mexique.

Mon cœur bondit.

– Mais c’est ma date de naissance ?! Et mon heure de naissance ?!

Même troublé, je poursuivais mon investigation et découvrais un « Décret de naturalisation »… à mon nom.

« Vu la constitution

Le ministre ne décrète que Monsieur Luis Ramirez adopté par Marie et Mathieu BONNEFOIS

Acquiert la nationalité française.

Par le même acte, son prénom est francisé et son nom est celui de ses parents.  

Il s’appelle désormais : Raphaël BONNEFOIS »

La nouvelle était brutale. 

– J’ai été adopté au Mexique et jamais personne ne me l’a dit !!!

Je me sentais trahi. Par mes parents. Par mes grands-parents. J’avais mal. J’étais tiraillé par des sentiments ambivalents de peine et de révolte. Avais-je envie de pleurer ? Ou de retenir mes larmes. Envie d’hurler mon désarroi ? Ou de me taire. Je pris ma tête entre mes mains. Mon esprit bouillonnait. J’allais à la fenêtre respirer l’air du dehors. 

– Et ma sœur Lucile ? On n’a pas le même sang ? Et ma tante Nathalie ? Elles savent, elles ?

Une foule de questions agitait mon esprit. Je décidai de me rallonger sur le lit. Et là, les larmes se mirent à couler sur mes joues… Au bout d’un long moment, je décidais de me ressaisir. Il me fallait être fort et adopter une stratégie : si ma filiation était restée secrète jusqu’alors, c’était certainement pour de bonnes raisons. 

En fin d’après-midi, je descendais du grenier. Je retrouvais mon grand-père pour une partie d’échecs. Tante Nathalie nous servit une orangeade glacée.

Je décidais de ne rien dire… de garder le secret… pour le moment.

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