« Fontenay »

Ces derniers jours, vous avez pu lire les récits et témoignages du public sur notre stand d’écriture, lors de  « Viva Copaca’Bagneux ».

Nos écrivants, sensibles au thème de la journée « Le jour le plus vert », ont eux-aussi imaginé des histoires en lien avec la Nature. Retour dans le temps avec Carmen. Bonne lecture !

Fontenay

Longtemps, j’ai grandi aux portes de Paris entre trottoir, bitume et bâtiments tristounets. Le vert de cette époque se résumait à celui d’une assiette d’épinards, d’haricots mange-tout, de choux frisés. Point de pelouses, de massifs de fleurs ou de forêts.

Mais comme tout change dans la vie, ma famille et moi fûmes amenés à quitter un logement exigu pour un bel appartement. Au revoir Clichy-la-Garenne où jamais je n’aperçus le moindre lapin, bonjour Fontenay-aux-Roses au nom plein de promesses. Mais là encore, aucune fontaine, aucune roseraie.

Néanmoins, après avoir digéré cette déconvenue, la ville se révéla pleine de surprises pour qui sait chercher un peu. Nous logions au premier étage d’un grand ensemble construit sur le site d’une ancienne et grande propriété. L’hôtel particulier avait fait place à plusieurs immeubles et au centre subsistait le parc. Parc. Le mot n’est pas exagéré, loin de là. Il y avait de quoi faire courir toutes les petites jambes qui vivaient dans la résidence. Un saule majestueux offrait son ombre les jours d’été, des rochers une cachette idéale pour les jeux enfantins. Mais il y avait un hic et pas des moindres. Les belles et vastes pelouses étaient interdites à la déambulation. Il fallait uniquement marcher sur les allées et en aucun cas poser un pied sur l’herbe verte et grasse. Gardien, et surtout régisseur, veillaient au grain. Les transgressions étaient quotidiennes, incessantes. Comment se contenter d’une bande de terre pour jouer alors qu’une prairie n’attendait que nous ? Impossible me direz-vous et c’était le cas effectivement. Nous comptions sur le nombre pour ne pas nous faire ramener à la maison par les oreilles. Dès qu’un coup de sifflet retentissait, nous nous dispersions comme une volée de moineaux, surprise par le chat aux aguets. Parfois, des adultes aux fenêtres nous criaient de quitter le gazon. Inutile de préciser que jamais nous n’obéissions.

Ce qui nous semblait injuste dans cette histoire était que seuls les chiens avaient la permission de fouler l’herbe verte. Pas les enfants. Eux pouvaient souiller les lieux de leurs déjections, sans que cela ne pose problème à personne. C’était comme agiter un morceau de viande sous le nez d’un caniche et lui intimer l’ordre de ne pas toucher. Ce petit jeu dura un certain nombre d’années, jusqu’à ce que, devenu un peu âgé pour nous hurler dessus, Monsieur Servat, le craint et redouté régisseur, commença à lâcher l’affaire. Petit à petit, il faisait semblant de ne pas avoir vu quelqu’un transgresser l’interdit. Et les belles pelouses furent colonisées par tous les enfants de la résidence.

L’été, il y avait des papillons et des abeilles butinant les trèfles, des hannetons aux grandes antennes. L’automne, les feuilles mortes y trouvaient leur tombeau avant que l’hiver ne les recouvre parfois d’une neige tombée par surprise. Puis, le printemps revenait et tout recommençait à nouveau. C’est fou comme tout cela nous semblait merveilleux de simplicité. Le bonheur se cachait entre deux brins d’herbe où l’innocence de l’enfance savait la dénicher. Et si le temps ne me manquait pas, je pourrais vous parler durant des heures, de la femme aux chèvres, de la source qui coulait le long du chemin qui menait au RER, du verger mystérieux refuge des amoureux et des galopins en tout genre. Fontenay-aux-Roses regorgeait d’une nature sauvage qui ne demandait qu’à être apprivoisée. Mais ce sera pour une autre fois.

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