« La légende de Lik »

Partons avec Francine au Mexique et remontons le temps jusqu’à la civilisation maya, entre le VIIe et le IIIe millénaire av. J.-C.  ! Bonne lecture !

La légende de Lik

Sur la table du salon, ma tante, mi tia Teresa, pose un pot à cacao chaud et nous appelle de sa voix chantante :

–  C’est l’heure de la pause, le chocolat et les gâteaux vous attendent !

Je pose mon stylo à côté de mon cahier de maths, m’étire et bâille. Je cours dans le couloir. Les lames de parquet grinçent sous mes pieds annonçant mon arrivée. Antonio, mon cousin de cinq ans mon aîné, sort de sa chambre devant moi, écouteurs sur les oreilles. Il marche en se trémoussant au rythme de la musique.

Nous nous installons autour de la table basse. Mi tia sur un fauteuil en cuir, Antonio et moi sur le canapé en velours bordeaux face à elle. Le chocolat onctueux coule dans nos tasses. Nous le buvons avec gourmandise. Et, nous nous régalons de torta de cielo.

Nous attendons aussi la petite histoire que nous conte régulièrement, mi tia. Elle s’éclaircit la voix et commence.

« Il y a bien longtemps, au temps des Mayas, une époque où la vie est dure pour les enfants, surtout pour les enfants qui sont des rêveurs. Dans la civilisation maya, chacun à sa place et doit rester à sa place. Mais, Lik, qui signifie esprit du vent, n’est pas comme les autres garçons, il rêve de contrées lointaines, d’animaux magiques, de plantes colorées, d’hommes sages et heureux.

Le jour de ses dix ans, Lik prend quelques victuailles, une couverture chaude et une gourde d’eau. Dès les premières lueurs du jour, quand le soleil n’est pas encore sorti de son sommeil, il sort sans bruit de sa maison et de sa ville Uxmal, le seul univers qu’il connaisse. Il passe devant la maison des tortues, dédiée au dieu de la pluie, Chac, et prend la route des collines pour un long périple vers l’inconnu. Lik marche de longues heures sur la route des porteurs de courriers ou des marchands. La route passe dans la forêt de plus en plus drue. Le bruit du vent dans les feuilles ressemble à des murmures, les cris des animaux le font sursauter, le chant des oiseaux lui rappelle la flûte jouée pendant les cérémonies des prêtres. Son pas devient de plus en plus rapide, son regard par-dessus son épaule ne le rassure plus, son cœur bat fort dans sa poitrine. Quand le noir l’entoure, il marche en regardant par terre pour suivre le chemin pavé et ne pas s’égarer. Enfin, la forêt s’éclaircit et les premiers champs apparaissent. Bientôt, il sera à Kabah, en sécurité et pourra prendre un peu de repos.

Demain, il rendra visite au responsable militaire, le nacom, et demandera à devenir un porteur de messages. Il rentre dans la ville et se trouve une maison accueillante pour dormir le reste de la nuit. Au petit jour, la maîtresse de maison lui offre des tortillas avec des haricots qu’il mange goulûment.

Devant l’officier, il se sent petit, il n’a que dix ans. L’homme est amusé par sa demande, mais lui propose de faire un essai et de porter un message de l’autre côté de la ville, aux prêtres. Lik ne connaît pas la ville, mais il est débrouillard et s’acquitte de sa première mission facilement. Il est engagé. Rapidement, il devient un des meilleurs éléments du service. Tous disent qu’il porte bien son nom, qu’il file comme le vent, toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus libre. 

Un jour, Lik n’est pas revenu. Depuis on dit qu’il est comme le vent, qu’il est parti par-dessus la grande mare. Que son esprit est libre. »

Nous sommes pendus aux lèvres de mi tia, nous applaudissons. Il faudra attendre demain pour un autre récit. Je sais que nos rêves de cette nuit seront avec Lik dans ses folles courses au milieu de la forêt, des collines, allant de ville en ville, aussi vite que le vent.

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Mi tia = ma tante

Torta de cielo = gâteau à base d’amandes, originaire de la péninsule du Yucatan

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