Deuxième temps de l’atelier à l’Hôtel littéraire Arthur Rimbaud : Marie-Laure Rossi, intervenante, nous invite, à écrire un récit à partir de phrases oniriques, extraites des poèmes en prose d’Arthur Rimbaud, les « Illuminations ».
Nous partageons ici le récit imaginé par Annie.
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Dans un grenier où je fus enfermé à douze ans, j’ai connu le monde.
Dans ce grenier sombre, j’hallucinais.
Il y avait des coffres, des armoires, des piles de vieux journaux, des cartons et une multitude d’objets hétéroclites : un mannequin de couturière coiffé d’une capeline rouge, un chevalet de peintre, des valises, un cheval à bascule, une mappemonde, un aquarium vide.
Il y avait des bocaux remplis de coquillages, d’autres remplis d’étoiles de mer ou d’hippocampes.
Il y avait des boîtes en carton pleines de perles, de rubans et de boutons de nacre.
Il y avait un matelas où traînaient un vieux tutu, des chaussons de danse, une paire de jumelles de théâtre et un tableau avec une danseuse.
Il y avait, au fond d’un tiroir, une liasse d’enveloppes, ficelées avec délicatesse.
Je ne résistais pas à l’envie de lire cette correspondance.
Je pénétrais une histoire d’amour, interdite, entre mon grand-père et une danseuse prénommée, Esther.
Je ne comprenais pas tous les mots de ces lettres, constellées d’épisodes érotiques.
Je ne comprenais pas que l’on puisse aimer deux femmes en même temps : Esther ET ma grand-mère, Léonie ?
Je me demandais si, moi aussi, un jour, je connaîtrais l’amour ?
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Nous vous proposons maintenant de (re)lire le poème d’Arthur Rimbaud, extrait des Illuminations :
Vies
Dans un grenier où je fus enfermé à douze ans j’ai connu le monde, j’ai illustré la comédie humaine. Dans un cellier j’ai appris l’histoire. À quelque fête de nuit dans une cité du Nord j’ai rencontré toutes les femmes des anciens peintres. Dans un vieux passage à Paris on m’a enseigné les sciences classiques. Dans une magnifique demeure cernée par l’Orient entier j’ai accompli mon immense œuvre et passé mon illustre retraite. J’ai brassé mon sang. Mon devoir m’est remis. Il ne faut même plus songer à cela. Je suis réellement d’outre-tombe, et pas de commissions.
Pour mémoire
« Les Illuminations » de Rimbaud sont un recueil de poèmes en prose, créés entre 1872 et 1875. Ces poèmes évoquent les grands voyages, la vie de l’homme des villes. Il explore des thèmes tels que la nature, l’amour, la spiritualité et la quête de sens dans un monde en mutation. Ce sont des visions hallucinées où se mêlent, à partir d’un souvenir ou d’un spectacle fugitif, d’autres souvenirs, des rêves.
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