« Citronella »

Nouvel atelier avec Carole Prieur, intervenante À Mots croisés, où elle sollicite chacun d’entre nous individuellement. 

À tour de rôle, elle nous fait écouter un bruit, un son ; sentir une odeur ; toucher, palper un objet à l’aveugle et enfin noter quelques pistes d’écriture. Puis, elle nous invite à écrire un récit où le personnage principal va vivre les stimuli sensoriels que nous venons d’expérimenter. 

À suivre le récit imaginé par Francine. 

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Citronella

7 heures. Les bruits de la ville entrent par la fenêtre ouverte et envahissent ma chambre, couvrant la sonnerie du réveil de mon téléphone portable. Je suis déjà réveillée depuis un bon bout de temps, j’ai vu la lumière venir lentement et les rayons du soleil venir me chauffer les pieds. Cette nuit a été pénible. La chaleur de la journée emmagasinée dans la pièce, les agressions des moustiques affamés, les conversations et les rires des passants en fête, les vrombissements des moteurs de véhicules nocturnes…Cette nuit a été longue, très longue. De plus, l’idée saugrenue a jailli dans la tête de mon cher et tendre mari, de sortir de la pharmacie le flacon de citronnelle et d’en imbiber des morceaux de coton, qu’il a installés autour du lit. L’odeur a envahi l’air chaud et m’est montée à la tête.

En me levant, un tambour battant s’est logé entre mes oreilles. Comme à son habitude, mon homme m’apporte mon bol de café au lait avec une tartine de pain de mie couverte de confiture de framboises de grand-mère. Mais ce matin, tout a le goût et l’odeur de la citronnelle. Passage dans la salle de bain, avec l’espoir de pouvoir fuir. Mais mon gel douche senteur vanille, mon dentifrice arôme menthe, même mon parfum au bouquet fleuri ont changé de fragrance. C’est une horreur. Pourtant, dans le jardin de mamie, la citronnelle est une belle plante décorative.

Après deux aspirines, je pars pour une journée torride au bureau. La circulation est intense, je me faufile entre les voitures roulant au pas. L’odeur du goudron, le bruit du roulement des pneus sur le bitume chaud et devenu mou, quelques coups de klaxon donnés par des chauffeurs impatients d’arriver à leur travail m’assaillent. Au milieu de ce vacarme, je préfère m’évader par la pensée. Mon esprit part pour un week-end à la campagne, au calme.

Je suis allongée sur la pelouse, les yeux perdus dans le ciel bleu. Lentement, mes doigts caressent la mousse qui mange petit à petit l’herbe. Elle me fait penser au côté grattoir des éponges, quand elles sont sèches et usées par de multiples vaisselles. Une sensation de douceur avec un peu de rugosité. Ma main prend plaisir à effleurer ce tapis de lichens. Un petit vent soulève légèrement ma jupe, frôle agréablement mes cuisses et me fait frissonner. 

Un klaxon et un crissement de pneu me ramènent à la réalité. Je suis au milieu de la route, une voiture à quelques centimètres de mes jambes, ma main droite posée sur le capot, sa chaleur me brûle presque. Derrière son volant, un homme au visage rouge et suant hurle et fait de grands gestes avec ses bras. D’un coup, la migraine bat dans ma tête et le relent désagréable de la citronnelle revient dans mon nez et dans ma bouche.

Ce matin, la fournaise et la citronnelle me suivent pas à pas. Pour une fois, j’ai hâte d’arriver de bonne heure au bureau et de profiter de la climatisation, et que le mauvais café fasse disparaître la citronnelle.

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