Dernier atelier d’écriture de la saison 2023-2024 ! Carole Prieur, intervenante À Mots croisés, nous lit les premières pages* du roman de Marie-Hélène Lafon : « Nos vies » où l’auteure y décrit longuement Gordana, son personnage principal. Extrait :
https://www.babelio.com/livres/Lafon-Nos-vies/961097
Carole nous invite à nous inspirer du physique de ce personnage et à la faire évoluer dans le cadre de notre choix.
Nous vous souhaitons bonne lecture du récit imaginé par Danielle !
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Dans le jour froid et humide, Gordana s’approche de la gare le cœur battant. Cela fait 10 ans qu’ils ne se sont pas vus. Une promesse faite à 20 ans de se revoir, dans dix ans, dans cette gare, et peut-être de donner une autre chance à leur histoire quasi mort-née.
John n’avait pas souhaité s’engager. A 20 ans, c’est dur de se résigner à une vie toute tracée. Il rêvait d’aventures, de voyager, de rencontres improbables. Gordana, elle, souhaitait une vie tranquille, près de l’homme qu’elle aimait, avec une maison, des enfants, et pourquoi pas un chien. De ce rêve, elle avait fait son deuil durant toutes ces années. Et pourtant, ce jour tant attendu la trouvait inquiète. Qui allait-elle retrouver ?
Elle a conscience de n’avoir pas trop changé. Sa tête menue porte fièrement des cheveux blonds, mais rêches, dont on devine la teinture aux racines noires. Ses lèvres minces cachent des dents puissantes. Son long cou sort de son pull noir en V, et un jean, noir également, couvre ses cuisses longues et galbées. Ses seins, volumineux, moulent le pull, semblant vouloir s’échapper.
Pas de vie autour de la gare. On dirait qu’elle est abandonnée. Il faut dire que Gordana n’a pas remis les pieds dans cette ville depuis longtemps. Elle pousse quand même la porte au double battant. Tout de suite une odeur âcre d’urine, et de fumée provenant d’un maigre feu de feuilles pourries, la saisit à la gorge. Drôle de lieu pour un rendez-vous amoureux ! Le guichet a été détruit, les bancs de la salle d’attente renversés et cassés.
En s’avançant dans ce qui était autrefois un hall plein de vie, elle aperçoit deux, trois silhouettes qui se tassent autour du feu. Des clochards, à n’en pas douter, à leurs vêtements sales et déchirés. Elle est soudain prise d’une envie de fuir loin, quand une voix caverneuse, l’interpelle : « Que cherches-tu, ma jolie ? De la compagnie ? On en a bien besoin ! » C’est un homme hisurte, grand et costaud qui lui parle ainsi. Son visage, mangé d’une barbe noire, laisse apparaître des yeux étonnamment bleus, qui lui rappellent vaguement quelqu’un.
Aussi, elle ne sait pas pourquoi, mais elle lui répond : « J’ai rendez-vous avec un ami, John. Vous ne l’auriez pas vu ? » Les yeux bleus de l’homme barbu s’illuminent, ses mains sales essaient de remettre de l’ordre dans sa tenue débraillée. « Je m’appelle John », lui répond-il. « Et toi, tu ne serais pas Gordana ? »
A ces mots, Gordana se sent défaillir. Elle qui avait tant attendu cet instant, retrouver son amour de 20 ans… Ce n’est pas possible, il n’a pas pu changer comme ça ! Le beau jeune homme aux yeux bleus, qui voulait parcourir le monde, est devenu un clochard qui végète dans une gare abandonnée….
Pourtant, la réalité est là, son rêve s’écroule. Et tout en courant vers la porte, pour fuir ce lieu sinistre, elle crie : « Je ne suis pas Gordana, vous faites erreur, moi je m’appelle Julia. »
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