Samedi 21 septembre 2024, À Mots croisés avait invité les amoureux d’Histoire et d’histoires à suivre la visite guidée de la Maison Richelieu – actuellement Maison de la Musique et de la Danse – dans le parc éponyme de Bagneux, puis à écouter l’Ensemble vocal À Tire d’Elles qui interprétait quelques chants de l’époque Renaissance.
Dans ce lieu historique du XVIIe, propice à l’inspiration, Annie, intervenante d’A Mots croisés, a invité les participants à entrer dans « une valse des mots », à imaginer quelques lignes en commençant par « C’est ici que… » (voir posts précédents), puis leur a proposé d’écrire une histoire, un fragment de vie au 17e siècle, de l’école Etienne-Dolet, autour de la musique ou de la danse, etc.
Charlotte, Evelyne, Michel, Rémi ont choisi de construire leur récit autour de l’école Etienne-Dolet, ouverte de 1946 à 2001 par la Ville de Bagneux dans la Maison Richelieu. Photo noir et blanc (C) Service des Archives et du Patrimoine, Ville de Bagneux.
🔹30 avril 1946
« Entre 1636 et 1641, le sieur Bénicourt, marchand quincaillier du Roy, domicilié à Paris, achète… »
- Jean-Pierre et Philippe, ça suffit ! Jean-Pierre, tu me copieras le mot « quincaillier » 50 fois sur une feuille. Et toi, Philippe, 100 fois, tu es le plus bavard des deux, hurla Mademoiselle Bernard.
- Oh, elle m’énerve la maîtresse, dit Jean-Pierre tout bas. C’est à cause de toi. Tout ça parce que tu m’as demandé comment s’épelait SIEUR ! Tu m’énerves à la fin !
- Jean-Pierre, je te vois marmonner. Eh bien, tu me recopieras le mot « quincaillier » 100 fois ! lui dit la maîtresse.
Elle continue la dictée. Mais Jean-Pierre décide d’écrire toute autre chose, d’écrire SON histoire : « Entre 1945 et 1946, Mademoiselle Bernard, marchande de mots, domiciliée à Bagneux, décide de me punir moi un pauvre élève qui n’a fait que « bavardé ». Elle m’inflige la copie du mot « quincaillier », 100 fois, mais je décide de copier un autre mot. Quel sera-t-il ce mot ? « Écolle » ? Ouais, je vais mal orthographier le mot rien que pour la mettre en rogne. Et, puis, ça ne sert à rien à l’école. Je n’aime pas l’école. Il met son papier en boule. Et quand Mademoiselle Bernard a le dos tourné, il le lance sur elle. Furieuse, elle se retourne et sans lire ce qu’il y a d’écrit, dit :
- Il n’y a que toi, Philippe, pour lancer des boulettes de papier. Tu me copieras le mot « quincaillier » 200 fois !
Jean-Pierre jubile et se met à contempler les poutres du sieur Bénicourt.
Charlotte
🔹Septembre 1946. Les enfants reprennent le chemin de l’école, six ans qu’elle était fermée. Six ans que la seule « musique » qu’ils ont entendue, c’était celle des alarmes, prévenant des bombardements. Ces bruits stridents qui les faisait aussitôt se ruer dans les caves, humides et sombres, en attendant la fin de l’alerte.
Aujourd’hui, il fait beau. Les oiseaux chantent. La chaleur du mois d’août se fait encore sentir. L’ombre des grands arbres du parc protège les peaux les plus fragiles. Emma est là parmi les enfants, vivante et reconnaissante. Elle se met à chanter cette chanson qui lui vient en mémoire portée par sa joie enfantine
Do, le dos il a bon dos
Ré, c’est le rayon de lune
Mi, c’est la moitié d’un tout
Fa, c’est facile à chanter
Sol, la Terre où vous marchez
La, l’endroit où vous allez
Si, c’est siffler comme un merle
et ça nous ramène à Do, do, do, do !
Evelyne
🔹Découverte des plafonds de la Maison de la Musique et de la Danse. Là, je repense aux kiosques qui existaient dans les villes et les villages. C’était la fête des Prix, vers le 14 juillet. Prix d’excellence, prix d’honneur. J’avais peut-être 10 ou 12 ans. J’étais debout dans ce kiosque avec d’autres élèves. Nous jouions une pièce de théâtre devant une foule de parents. J’étais un valet, je ne sais plus quelle pièce cela était. Pour saluer le public, j’ai ôté ma perruque. Les fous rires de la foule et des parents ont rougi toute ma figure.
Michel
🔹La feuille blanche, elle s’impose à tout. On croit être sur une branche. On est déjà dans le trou.
Instituteur à Etienne-Dolet, je dois donner demain mon cours. Toutes mes fulgurances en allées. La pédagogie me fait l’amour.
Où est mon inspi passée ? Mon autorité est en jeu. Les enfants et leurs grands yeux.
J’ai demandé à ma femme : que n’avais-je fait là ? Tout de suite, ce fut le drame. Elle me traite de cancrelat. Je me réfugie aux W.C. La chasse d’eau me fait de l’œil.
Je prends le canard W.C. Il me fait plutôt la gueule.
Nous sommes en 1982. Pas d’internet comme mine.
Excusez du peu. Je dois compter sur ma bonne mine.
J’appelle mon père à la retraite. Il me sort ses cours de troisième.
Désespéré, je jette mon Grévisse par la fenêtre. Un passant le reçoit sur la tête. C’est l’inspecteur. Il me voit et me fait la fête.
Pas de cours demain. Voilà une décision nette. Suspendue à sa main.
Mon cours, c’est Fantômette !
Rémi
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