« La Porte blanche » par Nadia Daverat

Pour le premier rendez-vous « Ateliers Découverte » de la saison d’écriture 2024-2025, Annie, intervenante d’ A Mots croisés, a invité à une parenthèse d’écriture créative autour du sujet : « Histoires de lieux sans histoire».

À suivre le récit de Nadia ! Bonne lecture !

La Porte blanche  

Te voilà pour la première fois dans ce nouvel appartement. Tu étais en voyage scolaire de troisième. Durant cette semaine-là ils ont rangé, plié, encartonné tes affaires et les ont disposées dans ce nouveau lieu, le quatrième depuis ces quatorze dernières années.

Traverser rapidement le couloir que tu auras le temps de découvrir plus tard, passer la cuisine, la salle à manger, le salon et ouvrir pour la première fois la deuxième porte sur la gauche, cette pièce sera ta chambre désormais, plus besoin de partager l’espace avec ton frère.

Tes yeux se posent çà et là, tu as du mal encore à imaginer que la grande armoire, le bureau situé en face de la fenêtre, le lit, les étagères, tout cela n’est là que pour toi désormais. Rien ne te ressemble vraiment encore, parmi les cartons et autres objets posés là au hasard de l’emménagement, mais lorsque tu fermes la porte, tu es chez toi, rien que chez toi.

Cela fait quelques semaines déjà que la chambre est devenue refuge. L’armoire est pleine de vêtements, le bureau de cahiers, stylos, crayons et livres pour étudier, le lit douillet décoré désormais comme celui d’un jeune fille, les étagères remplies de romans, disques vinyles et le poster de David Hamilton trône de toute sa lumière tamisée au-dessus de ton lit. 

« Réveille-toi, il est l’heure ! Je n’ai pas que ça à faire figure-toi ! »

Le refuge devient tout-à-coup scène de violence. Il a osé rentrer sans frapper avec cette grosse voix qui le caractérise et ce regard bleu glaçant, perçant, inquisiteur. Il ne connait pas la douceur, il ne sait pas donner de l’amour ou de la tendresse, il ne fait que prendre, imposer, obliger, abîmer, décider. Que faire contre ce despote à qui on laisse toute liberté dans cet endroit qui n’est pas chez lui et ne le sera jamais. Il est ressorti, emportant avec lui sa cohorte négative et malveillante. Il est allé ailleurs distiller sa méchanceté sur quelqu’un d’autre que toi.

La porte est refermée, le refuge redevient calme, serein et silencieux. Ne pas oublier de tourner la clef dans la serrure, la prochaine fois.

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