Pour ce premier atelier d’écriture de la saison 2024-2025, Carole Prieur, intervenante À Mots croisés, a invité le groupe d’écrivants à raconter un organe ou une partie du corps, sans pudeur, ni tabou.

Nous vous souhaitons bonne lecture des récits « R comme Rein » par Adélaïde, « R comme RGO » par Carole et « R comme Rougeur «  par Francine. 

« R comme Rein » par Adélaïde Cuadrado

On le sent rarement ce rein, pourtant tous les jours, il filtre et nettoie notre corps. Et certains jours, il décide de calculer. A coup de cailloux, c’est plus facile à visualiser. Il veut compter à s’en épuiser. Il se met alors à gonfler, et pour faire de la place, il pousse les intestins, appuie jusqu’à ce que diarrhée et vomissement s’ensuivent. Et il lance aussi des cris d’alerte : à-coup de douleur lancinante et éclairs à chaque mouvement. Et oui, une fois qu’il se met à calculer, il ne sait plus s’arrêter. Il patine, panique et finit épuisé par se débarrasser de ses billes pour tenter de reprendre son travail premier : filtrer. Les intestins respirent enfin.

« R comme RGO » par Carole Tigoki 

Le dîner avait duré très longtemps, ce soir de Noël. Ma mère, heureuse  d’avoir ses trois filles autour d’elle, nous avait concocté un repas de fête. Elle posa les mets sur la table et nous invita à nous servir. Je goûtais à tout, sans exception : aux toasts de foie gras de canard, à quelques huîtres et langoustines. La dinde rôtie aux marrons, accompagnée de pommes au four et de marrons persillés baignait dans une sauce épaisse. Au dessert, elle nous proposa une bûche au chocolat et à la noix de coco décorée de framboises et de citron vert. Elle était  délicieuse !

Mon mari, qui n’aime les desserts, me donna sa part de bûche à peine entamée. Je la dégustais  avec gourmandise, mais les dernières bouchées étaient laborieuses ; j’étais rassasiée. Toutefois, influencée par les injonctions de ma mère de toujours terminer son assiette, je finissais mon assiette, écœurée. Je me sentais lourde, dans l’inconfort. A l’évidence, j’avais trop mangé. Je fis un gros rot sonore qui  surprit tout le monde. Je m’en excusais. Ma mère, gênée, me regarda d’un air réprobateur.

– Désolée !  Il  m’a échappé, dis-je tout haut pour m’excuser.

Nous nous sommes couchés vers trois heures du matin, après les échanges de cadeaux et de longues discussions où chacun de nous refaisait le monde. Je me sentais mal à l’aise, mais fort heureusement, la position assise m’aidait  à maîtriser les autres petits rots qui m’échappaient. Lorsque je me couchais, Sylvain était endormi, son côté de couette remonté jusqu’aux épaules.

Ma tête était lourde, mais je me rassurais en me disant que demain tout irait mieux. Tout d’un coup, je sentais un feu dans mon estomac : une sensation de brûlure qui  grimpait, montait le long de mon œsophage. Elle s’arrêta dans ma gorge. Espérant un soulagement, je m’allongeais sur le dos. Peine perdue !

Le feu se baladait  de plus belle dans mon tube digestif, et  sortait par mes oreilles et mes narines. Ça piquait, ça brûlait, ça chauffait : c’était horrible ! Je m’asseyais sur le bord du lit. Je me sentais un peu mieux, mais pas suffisamment pour me recoucher. J’étais nauséeuse. Je rassemblais mes forces pour arriver aux  toilettes. J’ouvris la porte. A peine eus-je le temps de me pencher vers la cuvette, qu’en un jet violent et  continu, je vomis tout  ce que j’avais dans l’estomac. Un amas marron jaunâtre flottait dans la cuvette. Epuisée, je pris appui sur le mur. Les intestins grognaient de mécontentement. J’avais des spasmes et je rendais ma bile. Je restai sur la cuvette, en attendant un léger mieux. Je tirai la chasse  d’eau par trois fois. Fort heureusement, j’avais visé juste : pas de reste alimentaire par terre, ni sur le bord de la cuvette. Je me traînais à la salle de bain, péniblement.

Ma vue était trouble. J’apercevais des yeux cernés et des lèvres gonflées. Je m’appuyais sur le lavabo pour me reposer un peu, lorsque j’entendis ma mère me parler. Je me lavais le visage, me rinçais la bouche. Puis, maman me prit par le bras et  m’emmena au salon. Elle m’installa dans le canapé et m’apporta un verre d’eau citronnée, qu’elle m’obligea à boire à petite gorgées.

« R comme Rougeur » par Francine Delagneau 

Ce matin, je me réveille de bonne humeur. J’ai passé une très bonne nuit, réparatrice et sans rêves qui nous laissent une angoisse diffuse et un mal-être incompréhensible. Pourtant, elle a été courte, hier soir, j’ai préparé ma journée de travail du lendemain Petit déjeuné rapide, j’ai pas très faim et je trouve qu’il fait chaud. Je file dans la salle de bain pour une douche tiède, elle me va me revigorer peut-être.

Un regard furtif dans le miroir. Horreur ! Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?Mon visage est rouge, même plus, il est écarlate. Je comprends pourquoi j’avais cette impression de bouillir. Je pose mes mains sur mes joues et leur fraîcheur me soulage. Je réfléchis. Pourquoi cette rougeur sur ma figure ?

Le soleil de l’après-midi, lors de la réunion avec les responsables de service sur la terrasse de la cafétéria, ou les crevettes du restaurant d’entreprise mal conservées. Je fais couler de l’eau froide au creux de mes mains et pose mes pommettes dedans. Quel soulagement, mais de courte durée, bientôt la chaleur monte. Le fond de teint devient mon sauveur, il faut une bonne couche pour être présentable. Aujourd’hui, j’ai une présentation importante et je suis déjà en retard. Si l’on me fait une remarque, je pourrai toujours invoquer la timidité.

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