En début d’année, À Mots croisés a déplacé ses ateliers d’écriture à la Maison de Victor Hugo, Place des Vosges à Paris que nous remercions vivement pour son accueil. https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/
Les ateliers hors-les-murs permettent de renouveler nos pratiques d’écriture et d’ouvrir autrement nos imaginaires. Après la visite de l’appartement parisien de l’illustre, Marie-Laure Rossi, intervenante À Mots croisés, a invité le groupe d’écrivants à imaginer la rencontre entre un personnage de l’entourage de l’illustre et Victor Hugo. C’est Adèle Foucher qui devait être placée au centre du récit ci-dessous.
Pour mémoire, Adèle, délaissée par son mari bourreau de travail, entretenait une relation amoureuse avec Sainte-Beuve, ami de Victor, tandis que ce dernier devint l’amant de Juliette Drouet. Jalouse, Adèle Foucher rompra quatre ans plus tard sa relation avec Sainte-Beuve.
Nous vous laissons tout au plaisir de la lecture du récit de Virginie qui a imaginé des retrouvailles entre Adèle et son époux, Victor Hugo.
Une bien piètre victoire
Je me sens toute retournée, chamboulée… J’ai les joues en feu et le cœur qui bat la chamade. Jamais, je ne vais pouvoir me présenter à Victor dans cet état !
Mon dieu, qu’est-ce qui m’a pris ? Je me pose la question et pourtant, je sais la réponse. Depuis plusieurs mois, cette douleur lancinante dans ma poitrine… Une pleurésie, avait d’abord pensé le médecin. Je l’avais espéré, mais je savais, au fond de moi, que ce n’était pas mon corps mais mon âme qui pleurait.
Qu’ai-je fait, Victor, pour que tu m’infliges cela ? N‘ai-je pas déjà assez souffert avec la mort de notre cher Léopold ? Comment cette femme, dont je ne puis, même pour moi seule, prononcer le prénom t’a-t-elle ensorcelée ?
Je dois me calmer…
Je vais encore faire quelques pas le long de la rue Saint-Antoine, je tournerai rue de Birague et je m’arrêterai au salon de thé de la place Royale. Boire un thé bien chaud et croquer dans une madeleine me fera du bien et peut-être oserais-je ensuite affronter ton regard, Victor…
Je dis cela et pourtant je sens déjà qu’il me transpercera. Pour sûr, je ne pourrai échapper à la sagacité que tu mets à profit pour observer les êtres, jeunes ou vieux, pauvres ou riches, et les faire vivre dans tes romans !
C’est moi qui ai honte, maintenant, alors que ta faute a entraîné la mienne…
Ta trahison m’a poussée dans les bras de l’homme qui t’appelle le Cyclope. Celui qui n’est pas écrasé par ton génie et que tu hais parce qu’il ose critiquer ton œuvre ! Grand sera mon malheur si tu apprenais que je te trompe avec lui, mais c’est le ressentiment qui m’a dicté de le choisir, Sainte-Beuve et pas un autre, pour me venger de ta comédienne.
Ton cœur saignera-t-il autant que le mien ? Je ne sais pas, mais j’en suis sûre, ton orgueil sera blessé et ce sera ma bien piètre victoire sur toi, le grand homme célébré !
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Illustration :
Adèle Foucher par Louis Boulanger, huile sur toile, 1839, Maison de Victor Hugo.
Photo @annyelleparis
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