« Héritage »

Le 8 mars, c’est la Journée internationale des Droits des Femmes !

Pour l’occasion, nous vous invitons, depuis quelques jours, à la lecture de récits imaginés par nos écrivants lors d’un atelier animé par Carole Prieur, inspiré par l’ouvrage « Les femmes qui lisent sont dangereuses » de Laure Adler et de Stefan Bollman.

À suivre le récit de Francine. Bonne lecture !

Héritage

Je suis de retour du cimetière du Père Lachaise où je viens de mettre en terre mon cher mari, Edmond. J’ai le cœur serré, une boule dans l’estomac, les larmes coulent le long de mes joues et de gros soupirs secouent mon corps. Tout le monde est parti, je préfère être seule avec mon chagrin. L’appartement est vide, vide de sa présence. Le silence est assourdissant, j’erre de pièce en pièce, le regard s’arrêtant sur une photo posée sur la cheminée du salon, sa tasse rangée sur l’étagère de la cuisine, son bureau resté en désordre, l’odeur de son parfum plane dans la salle de bain, notre lit conjugal dans notre chambre encombrée de vêtements jetés pendant la recherche de sa tenue posthume. Un lit bien trop grand et bien vide maintenant pour moi toute seule.

Demain, j’ai rendez-vous avec le notaire et j’ai besoin de papiers. J’ouvre les tiroirs de son bureau, ils débordent de diverses lettres et autres documents administratifs. Mes larmes troublent les mots tracés de son écriture nerveuse. Au fond du grand tiroir, je découvre une enveloppe kraft. Je sors plusieurs courriers recouverts d’une écriture fine et élégante, des actes de naissance, factures, loyers pour un appartement et autres papiers divers. Au début, je ne peux m’empêcher de les parcourir, curiosité toute féminine. Mais leur contenu me fait être beaucoup plus attentive aux mots. 

Je m’installe confortablement dans le divan vert du salon et reprends ma lecture avec plus de vigilance. Alors que les mots défilent sous mes yeux, je suis d’abord surprise par leur contenu. Après une deuxième lecture, je commence à en comprendre le sens. Le sentiment de trahison m’envahit et j’ai du mal à accepter la véracité de ses lignes, mes mains tremblent et des larmes coulent sur les joues. Une colère sourde monte en moi doucement. Je ne peux le croire, lui, le mari parfait et attentif, l’amant tendre de mes nuits, avait un autre foyer, une autre femme. Une femme qui lui avait donné deux garçons, apparemment grands aujourd’hui. Mon mariage n’était donc qu’un grand mensonge, un arrangement entre famille, et ce, depuis le début. Comment avait-on pu me faire cela ? Comment je n’avais rien deviné ? Maintenant, notre rencontre au jardin du Luxembourg, lors d’une promenade, soit-disant fortuite, promenade que m’avait forcée à faire mes parents, me paraît du plus suspect. Je suis en colère contre lui, contre mes parents, contre mes beaux-parents et contre moi aussi. Je me sens fatiguée en même temps, je m’allonge, les lettres à la main, le regard dans le vide. Mes pensées se bousculent. Je me demande si Edmond avait de l’amour pour elle, et quels sentiments avait-il pour moi ? Mais moi, je l’avais aimé dès cette première rencontre. Je le revois dans son costume bleu marine, il était très élégant, je ne voyais que lui. 

Maintenant, que vais-je faire de cette ignominie ? Demain, ce n’est pas chez le notaire que je vais aller, mais chez cette greluche. Elle verra qui est la femme légitime et ce qu’elle est capable de faire. Ma famille aussi va savoir de quel bois je me chauffe. Est-ce qu’ils sont prêts à ce que la vérité soit dévoilée à la bonne société et au scandale que cela va entraîner ? Est-ce que le notaire a un testament leur léguant une partie ou tout notre argent ? Et que vais-je devenir, si l’argent de ma dot est distribué à elle et ses deux enfants ? Et moi, est-ce que je suis disposée à perdre ma respectabilité ?

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