Cette année, A Mots croisés a choisi de célébrer la Journée internationale des Droits des Femmes en allant au Musée de la Toile de Jouy que nous remercions vivement pour son accueil.
Après la visite guidée de la collection permanente, Annie Lamiral, intervenante À Mots croisés, a invité le groupe d’écrivants à imaginer un récit, un fragment de vie autour d’un personnage principal, impérativement une femme, et de situer le récit à/en lien avec Jouy et la toile de Jouy.
Rappelons brièvement qu’à la Manufacture de Jouy, les femmes occupent des postes dédiés. Elles sont picoteuses, pinceauteuses, tireuses ou couturières et représentent 47% des effectifs.
Nous vous souhaitons bonne lecture du récit imaginé par Francine.
Moi, Catherine Gayet, contrebandière
En ce joli jour du 22 mai de l’an de grâce 1739, je roule sur la route qui mène jusqu’à Grenoble, chemin que je connais bien pour l’avoir fait depuis plusieurs mois. Ma charrette de foin cache 29 aunes de cotonnades imprimées de motifs végétaux. Ces indiennes sont importées des pays de l’est, des Indes, et elles sont très recherchées par la noblesse et la bourgeoisie. Elles me rapportent une belle somme de double sol pour me permettre de mettre ma famille à l’abri de la faim. Je sais bien que c’est de la contrebande, depuis que notre bon roi Louis XIV en a interdit l’entrée dans notre pays, et que je prends des risques. Mais maintenant, je connais bien les gardes et avec mon joli minois et un grand sourire, ils ne fouillent pas mon fourrage. Dame, mais quels ballots, c’est tellement facile de les berner.
Aujourd’hui, les hommes de la garde à la porte ont une sale tronche, je ne les reconnais pas et je me demande de quoi il en retourne. Vertuchou, je me souviens de cet uniforme, ce sont les contrôleurs de la ferme générale et je me méfie d’eux comme la peste. Trop tard, ils arrêtent mes chevaux. J’ai beau leur faire des cajoleries, des minauderies et des sourires, ils retournent et retournent mon chargement sans même me regarder, pour enfin découvrir mes précieuses indiennes. Je me suis mis dans de beaux draps blancs. Encadrée de deux officiers, je suis jetée dans un cachot sombre et sale. Je n’ai plus qu’à attendre mon procès pour contrebande. J’espère que le juge sera clément, que sa femme porte en son foyer ses fleurs colorées pour lesquelles je suis tombée. La question est, combien d’années de prison vont m’apporter ces indienneries ?
===
Laisser un commentaire