La campagne en bleu indigo

Début mars, À Mots croisés a déplacé ses ateliers d’écriture au Musée de la Toile de Jouy que nous remercions vivement pour son accueil. Les ateliers hors-les-murs permettent de renouveler nos pratiques d’écriture et d’ouvrir autrement nos imaginaires.

Après la visite guidée de la collection permanente Annie Lamiral, intervenante À Mots croisés, a invité le groupe d’écrivants à imaginer un récit autour de la toile de Jouy. 

Rappelons brièvement que les dessinateurs de Jouy se montrent particulièrement fertiles puisqu’en 1821, au moment de la cession de la manufacture, on estime que 30 000 dessins ont été imprimés à la planche de bois, et plus de 500 à la plaque et aux cylindres de cuivre. Une moyenne de 430 nouveaux motifs par an ! Ces motifs sont souvent monochromes (rouge, bleu, vert, sépia…) sur fond blanc ou écru. Ils peuvent être floraux, exotiques, architecturaux ou représenter des scènes pastorales, mythologiques et historiques. Aujourd’hui, la Toile de Jouy continue d’inspirer des créateurs avec de nouvelles variations modernes.

Nous vous souhaitons bonne lecture du récit imaginé par Charlotte.

La campagne en bleu indigo

– Ah, quels motifs délicieux, comme c’est bucolique ! On se croirait vraiment à la campagne. Comment s’appelle cette toile ? demanda Madame de Pompadour.

– Les plaisirs de la campagne, Madame, lui répondit le marchand de Jouy.

– Oh, mais c’est exquis, on s’y croirait vraiment ! Dire que je ne suis qu’à la ville, je ne vais que très peu à la campagne, soupira Madame de Pompadour.

– Donc, Madame, reprenons. Cherchez-vous une toile pour un nouvel habit ou pour orner les murs de votre salon de lecture ? lui demanda le marchand.

– Diantre, mais les deux ! Ne savez-vous pas que lorsqu’on est noble, on porte l’habit assorti aux murs de votre intérieur ?  C’est la règle. Certes, ce bleu indigo est du plus bel effet mais il serait peut-être un peu terne sur moi. Il irait cependant parfaitement avec la banquette. Mais porter du bleu, je ne sais pas …. N’auriez-vous pas l’imprimé en rouge garance ? s’enquit Madame de Pompadour.

– Madame, lui rétorqua le marchand, nous sommes à court de racines de garance. Le roi a commandé une toile en ce coloris pour orner l’une de ses pièces à Versailles. Nous avons utilisé toutes les racines disponibles, répondit le marchand. Très chère Madame, vous avez le teint clair et les yeux bleus, l’indigo vous siéra parfaitement et fera ressortir l’azur de votre regard, poursuivit le marchand.

– Vous êtes un flatteur, cher marchand, et savez manier l’encensoir ! Que je réfléchisse un peu … Je pourrai porter la robe lorsque je viendrai vous rendre visite à Jouy. Ah, comme j’ai envie d’inédit, de me plonger dans un univers campagnard, côtoyer vaches, moutons et brebis sans oublier les paysans, bien sûr ! s’extasia Madame de Pompadour.

– Madame, le bleu du ciel se reflétera dans vos yeux et sur votre tenue, j’en mets ma main à couper ! dit le marchand d’un ton malicieux.

– Vendu ! S’exclama la marquise. Si mon habit plaît au roi, je commanderai le même en rouge garance, ou en jaune des gaudes si vous n’avez plus de racine de garance ! S’exclama la marquise. 

Sur ce, elle tourna les talons, quitta le salon, et alla chercher un livre sur la campagne. Les paysans, je n’en côtoie guère, fort heureusement, se dit-elle.  Mieux vaut savoir à quoi s’attendre avant de sauter le pas dans l’inconnu.

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