Césario

Cette année, À Mots croisés a choisi de consacrer un cycle d’écriture au « nature writing », littéralement « écrire sur la nature » ou « écrire la nature ». Ce genre littéraire trouve ses origines dans la conquête des territoires des Etats-Unis à la fin du 18ème siècle par les colons. Son fondateur serait le philosophe Henry David Thoreau dont l’œuvre emblématique « Walden ou La vie dans les bois » est ni roman, ni autobiographie, mais un éloge de la nature avec des questionnements d’ordre autobiographiques, philosophiques, sociétaux et politiques.

Après un premier atelier, où le paysage était placé au centre du récit (lire les posts publiés), Ghislaine Tabareau-Desseux, intervenante À Mots croisés, a invité les écrivants à construire un récit « miroir » où l’homme regarderait un arbre, puis où l’arbre regarderait l’homme.

Césario

Par Anne Berthelot 

Luigi s’était adossé à son plus fidèle ami, Césario. Luigi n’en pouvait plus : Non, ce n’était pas la chaleur qui l’accablait. Mais c’était de voir ses fidèles amis dépérir, surtout Césario, le plus vieux, le plus fidèle, qui était là depuis des décennies. Il s’adossa à sa peau ridée et desséchée en posant ses paumes contre l’ancêtre, le premier d’une dynastie qui avait fait vivre sa famille, ses parents, ses grands-parents, ses aïeuls. C’était Césario, le premier des Perone, son  arrière-grand-père qui avaient fait le pari, il y a plus d’un siècle d’offrir à la terre de ses ancêtres , cette source miraculeuse de ce breuvage d’or. Césario, tu ne peux pas nous laisser tomber, que va-t-on devenir ? Luigi ressentait l’écorce rugueuse et déshydratée du doyen souffrir.  Elle était désormais noircie comme calcinée par un incendie invisible comme toutes les autres du domaine. 

***

Césario sentait le poids non seulement du corps de Luigi, mais aussi celui de sa peine qu’il partageait. Ils les avaient tous connus du plus vieux des Perone jusqu’à Emelina, la dernière de la famille que lui avait présentée Violetta. Il avait aimé leur bienveillance et le respect du travail que la famille séculaire se transmettait de génération en génération. Il se souvenait des dimanches aux éclats de rire lumineux et les champs du Salento pendant la récolte. Mais là, il n’avait plus de force, plus de sève. Seule, la maladie au nom  barbare qu’ il avait entendue, la xylella fastidiosa s’était infiltrée dans les moindres coins de ses branches noueuses, non, il ne voulait pas quitter cette terre qui l’avait vu naître. 

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