Cette année, À Mots croisés a choisi de consacrer un cycle d’écriture au « nature writing », littéralement « écrire sur la nature » ou « écrire la nature ». Ce genre littéraire trouve ses origines dans la conquête des territoires des Etats-Unis à la fin du 18ème siècle par les colons. Son fondateur serait le philosophe Henry David Thoreau dont l’œuvre emblématique « Walden ou La vie dans les bois » est ni roman, ni autobiographie, mais un éloge de la nature avec des questionnements d’ordre autobiographiques, philosophiques, sociétaux et politiques.
Après un premier atelier, où le paysage était placé au centre du récit (lire les posts publiés), Ghislaine Tabareau-Desseux, intervenante À Mots croisés, a invité les écrivants à construire un récit « miroir » où l’homme regarderait un arbre, puis où l’arbre regarderait l’homme.
L’arbre de vie…
Par Jean-François Games
Après vingt minutes de marche, j’arrive au pied de cet arbre géant. Il me dépasse de ses trente mètres. Depuis que je suis installé dans la région, il m’observe. Je sais l’importance que les femmes et les hommes lui accordent. Planté près d’une cahute au milieu d’une grande savane où paissent une demi-douzaine de bovins, la population l’a toujours utilisé pour se procurer de la nourriture. Ses fleurs oblongues d’un vert pâle donnent des fruits pouvant atteindre la taille d’environ deux fois la tête d’un humain et permettent de nourrir ainsi une dizaine de personnes.
Les enfants s’amusent et tentent de créer des pièges pour attraper des oiseaux avec le latex qu’on peut obtenir de son écorce ou de ses énormes feuilles découpées en de multiples lobes. Deux jeunes garçons arrivent à cet instant pour taillader le tronc, tenter de récupérer un peu de sève et partir à la chasse aux petits oiseaux.
Au cours de ma promenade matinale, pour premier rendez-vous je viens saluer cet arbre de vie, ce végétal protecteur et protégé car l’urbanisation est encore loin et les élevages intensifs rares.
L’humain
Encore ce petit nabot ! Je n’ai toujours pas compris pourquoi il me regarde aussi curieusement. A la différence de ses congénères qui récupèrent mes fruits, me blessent et profitent de mes essences puis s’en vont sans trop me monter d’attention, lui il reste là, à distance, pendant que les nuages passent, qu’il pleut ou que le soleil brûle. Il m’observe sans bouger, sans bruit.
C’est tout de même une espèce particulière. Ils ne savent pas rester en place. Toujours à courir, à aller d’un endroit à l’autre, à apparaître puis disparaître. Ce petit nabot est une exception, on dirait qu’il veut échanger avec moi.
Des oiseaux sont venus se poser sur mes branches, récupérer quelques forces avant de continuer leur migration. Ils m’ont raconté comment mes semblables ont souffert ailleurs de cet espèce qui prolifèrent à certains endroits.
Ce nabot qui, depuis de nombreuses lunes, vient m’observer, me prépare-t-il un destin identique à mes homologues ? ou comme certains oiseaux le prétendent, plutôt réfléchir et étudier comment me multiplier pour que d’autres profitent de mes fruits et de ma sève ?
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