Pour ce nouvel atelier hors les murs, À Mots croisés a poussé la porte de la librairie Le Bazar utopique à Bagneux. Nous en avons profité pour échanger avec notre duo de libraires sur leurs choix de lectures et sur leurs « Coups de cœur ».
Annie Lamiral, intervenante À Mots croisés, a ensuite invité le petit groupe d’écrivants à imaginer une histoire, à partir d’un ouvrage coup de cœur de nos libraires, en reprenant son l’incipit, son excipit ainsi que la première phrase de la page 111 https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_de_la_Page_111
C’est le roman « Comme un parfum de lavande » de Sinan Antoon que Francine a retenu pour imaginer son propre récit.
Page 1
Lorsqu’il se réveille de sa sieste, dans son confortable fauteuil de cuir, son regard tombe sur le grand écran de télévision où passe un vieux film égyptien en noir et blanc.
Page 111
Il parlait en arabe, on ne comprenait pas ce qu’il racontait.
Excipit
Elle lui ouvrit les paumes et déposa le bouquet entre ses mains, mais il lui échappa et tomba sur ses genoux, puis sur le sol.
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Lorsqu’il se réveille de sa sieste, dans son confortable fauteuil de cuir, son regard tombe sur le grand écran de télévision où passe un vieux film égyptien en noir et blanc.
Cela fait quelques mois qu’il est plongé dans la dépression, depuis le décès de sa femme. Sami ne s’intéresse plus à grand-chose et la plupart de ses journées passent lentement, assis au milieu de ses meubles et bibelots qui ont connu Amina. Il éteint le récepteur TV et rejoint d’un pas traînant son bureau. Là, sont entassés les livres médicaux et les revues scientifiques, vestiges de sa vie de médecin de ville. Il a pratiqué pendant plus de quarante ans dans Bagdad, nombril du monde en son temps, mais actuellement, c’est une ville difficile à vivre avec ses attentats et ses milices.
Depuis quelque temps, il repense à la proposition de son fils, parti habiter avec sa famille aux États-Unis. Aller le rejoindre à New-York et tout quitter. Pourquoi pas. Ici, maintenant, c’est devenu impossible de circuler tranquillement dans les rues, de trouver des produits frais ou de se rendre au dispensaire voisin pour fournir son aide médicale à la population.
Mars 2023. Il prend la décision de devenir un émigré. Il appelle Omar pour lui annoncer la nouvelle, puis l’agence de voyage pour prendre un billet d’avion sur le premier vol. Dans trois jours, il abonnera tout ce qui a été sa vie : appartement, meubles et bibelots, livres et revues, famille et amis, voisins et patients, et même sa chère femme. Dans sa valise, il jette les vêtements indispensables, quelques photos bien choisies, ses diplômes, les papiers obligatoires et surtout le dernier livre que lisait Amina, resté sur sa table de nuit.
New-York. Aéroport gigantesque de JFK. Il est fatigué par le voyage et la tête lui tourne. Il y a trop de monde, trop de bruits et d’odeurs nouvelles. Il demande son chemin pour la porte numéro 8, où son fils l’attend. Il parle en arabe, on ne comprend pas ce qu’il raconte. Il se sent de plus en plus perdu. Enfin, un homme en costume prend le temps de s’inquiéter de lui, de lui parler dans sa langue et de le mettre dans la bonne direction.
Il aperçoit son fils, presse le pas dans la foule et tombe dans les bras chaleureux d’Omar. Leurs larmes coulent et leurs cœurs battent fort. Sa nouvelle vie commence au milieu de cette foule indifférente.
Ils traversent la « grosse pomme », ville trépidante, dans un taxi jaune qui les dépose au pied de l’immeuble d’habitation d’Omar. Ici, tout lui paraît immense à côté de Bagdad. Gratte-ciel, rues, magasins, hall du bâtiment, ascenseur et couloir. Dans l’entrée de l’appartement, la femme d’Omar, Fatima, l’attend souriante avec un bouquet de lavande dans les bras. Elle l’invite à rentrer dans le salon éclairé par les rayons du soleil couchant, l’installe dans un confortable fauteuil de cuir marron avec des coussins de soie bordeaux. Elle lui ouvre les paumes et dépose le bouquet entre ses mains, mais il lui échappe et tombe sur ses genoux, puis sur le sol.
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