Capitaine Bébert

Cette année, À Mots croisés a choisi de consacrer un cycle d’écriture au « nature writing », littéralement « écrire sur la nature » ou « écrire la nature ». Ce genre littéraire trouve ses origines dans la conquête des territoires des Etats-Unis à la fin du 18ème siècle par les colons. Son fondateur serait le philosophe Henry David Thoreau dont l’œuvre emblématique « Walden ou La vie dans les bois » est ni roman, ni autobiographie, mais un éloge de la nature avec des questionnements d’ordre autobiographiques, philosophiques, sociétaux et politiques.

Après « Le paysage, la nature sauvage » et  « L’arbre en miroir», Ghislaine Tabareau-Desseux, intervenante À Mots croisés, nous a invités à un atelier  « Autour de l’eau ». Le récit devait avoir du suspense. Il s’agissait de semer quelques indices tout au long du texte qui amèneraient le lecteur à la chute … surprenante, percutante, inattendue. 

À suivre le récit de Francine.

Capitaine Bébert

L’eau coule lentement et prend de la vitesse au gré de la légère pente. En cette fin d’été, les feuilles jaunissantes des arbres atterrissent en planant sur la surface des flots et continuent leur voyage au fil du courant. Quelques brindilles et autres détritus font le même chemin. Ensemble, ils s’entassent et forment de petites îles tournant sur elles-mêmes. Elles rencontrent des obstacles qui les font dévier de leur trajectoire, puis elles reprennent rapidement leur route au fil de l’eau. Il y a aussi des moineaux qui viennent se désaltérer dans cette onde courante. Un bateau blanc navigue aussi aux caprices de ce liquide transparent. Tranquillement, il poursuit son chemin, ballotté de droite à gauche, secoué par la houle.

Les marcheurs continuent leur parcours au pas de course, ne faisant pas attention à ce cours d’eau, ils l’ignorent. Ils sont bien trop absorbés par le cours de leur vie.

Seul, le jeune enfant Albert, connu de tout le monde dans le coin au surnom de Bébert, s’intéresse à ce cours d’eau. C’est lui qui fait flotter ce navire blanc, qu’il pousse avec son bâton de bois, qui le dirige quand il prend de mauvaises directions. C’est lui le capitaine, c’est lui qui décide quand il fait des escales dans des ports imaginaires, quels pays magiques il traverse, quels personnages fantastiques sont transportés sur son voilier et quelles intempéries il traverse.

– Alors, Bébert, fais attention. Tu as manqué de me faire tomber !

– Excuse-moi, m’dame Germaine. J’regardais mon rafiot.

– Eh bien, cours, il t’échappe.

Bientôt, le petit bateau en papier blanc accélère, passe une grande bouche noire, descend une cascade et se retrouve dans les remous des égouts d’une rue tranquille de la banlieue parisienne.

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