Iceberg, coco des îles et poissons rouges

Cette année, À Mots croisés a choisi de consacrer un cycle d’écriture au « nature writing », littéralement « écrire sur la nature » ou « écrire la nature ». Ce genre littéraire trouve ses origines dans la conquête des territoires des Etats-Unis à la fin du 18ème siècle par les colons. Son fondateur serait le philosophe Henry David Thoreau dont l’œuvre emblématique « Walden ou La vie dans les bois » est ni roman, ni autobiographie, mais un éloge de la nature avec des questionnements d’ordre autobiographiques, philosophiques, sociétaux et politiques.

Après « Le paysage, la nature sauvage » et  « L’arbre en miroir», Ghislaine Tabareau-Desseux, intervenante À Mots croisés, nous a invités à un atelier  « Autour de l’eau ». Le récit devait avoir du suspense. Il s’agissait de semer quelques indices tout au long du texte qui amèneraient le lecteur à la chute … surprenante, percutante, inattendue. 

À suivre le récit de Nathalie. 

Iceberg, coco des îles et poissons rouges 

J’ai décidé que je tournerai le bouton rouge. Pourquoi le rouge, allez-vous me dire ? Je ne sais pas, c’est une lubie pour moi. Le bleu, je ne l’aime pas vraiment. C’est une couleur qui me rappelle le froid de l’océan Arctique, les étendues d’eau glacée où seuls, les icebergs flottent dans cette immensité. D’ailleurs du bleu, ici, il y en a quand même. J’ai compté. Seize carreaux de vingt centimètres de côtés ornés de poissons rouges. Est-ce qu’un jour j’aurais le temps d’aller à la pêche au lac d’Annecy ? Pour le moment je me contente de mes poissons rouges. Eux aussi sont au nombre de seize. Ils flottent au centre des carreaux bleus.

La vapeur de l’eau monte. Mes lunettes sont embuées. Je passe l’index et le pouce pour les essuyer. Là, je vois nettement mieux. J’ose mettre l’orteil gauche dans cette eau. Elle me brûle et je pousse un petit couinement avant d’arriver à y mettre le pied. Je prends une grande respiration et je plonge mon deuxième pied. J’ai pied et je rigole tout seul. Pourquoi te poser cette question ? Évidemment que tu as pied. L’eau atteint les genoux. Comme je suis seul dans ce lieu, j’ai osé le nu intégral. Je fléchis les genoux pour que mon postérieur aille découvrir la chaleur de cette eau si douce et agréable. Pfff ! Le son lancinant mais berçant m’accompagne. J’ose faire des vocalises de deux syllabes. Ma voix résonne. Alors je passe des aigus aux graves. Toujours ce son de fond. Pfff ! L’eau chaude coule à flot. Je décide à prendre de nouvelles senteurs. Ce soir, ce sera coco des îles : parfum envoûtant à souhait. Je m’allonge et je mets la tête dans l’eau. Les bruits en cascade sont atténués et plus graves. Je tente de chanter la tête sous l’eau. J’aime les expériences. Je pourrais en faire toute la journée. D’ailleurs, Riki, mon canari, et Bolose, mon flamant rose, m’ont rejoint.

Des milliers de bulles, voire des millions m’entourent. Je souffle sur l’une d’elle. Elles s’envolent vers les poissons rouges. Je scrute chaque bulle et je vois Riki et Bolose qui surnagent dans cette mer de coco des îles.

Pfff ! Le son du robinet continue. Je repasse l’index et le pouce sur les verres de mes lunettes qui ne me quittent pas même dans l’eau. Encore quelques gouttes de bain moussant. Tiens ! Une autre expérience à faire : mettre tout le liquide en une seule fois. Pfff ! Remettre une deuxième bouteille sous le robinet.

Info de six heures. Après avoir inondé tout un immeuble, un homme a été retrouvé, noyé par les bulles de savon. Apparemment, il a fait une expérience débilifiante. Les sauveteurs ont pu sauver Riki et Bolose de cette effroyable noyade. 

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