« La révolution écologique est en marche »

Après « Le paysage, la nature sauvage », « L’arbre en miroir», «  Autour de l’eau », Ghislaine Tabareau-Desseux, intervenante À Mots croisés, nous a invités à un atelier consacré aux habitudes adoptées pour « faire du bien » à la planète et à imaginer un récit où le personnage central ferait face à son engagement pour la planète. 

À suivre le récit de Laurent ! 

« La révolution écologique est en marche »

Ce mercredi soir, Théo dînait comme tous les mercredis soirs avec ses trois meilleurs copains. Ce qu’il faisait sans exception depuis des années. Ce soir-là, Gérard avait annoncé qu’il avait une importante révélation à faire. Peu habitués aux changements, les trois autres étaient un peu tendus dans l’attente de cette révélation. Qu’allait-il donc leur annoncer ?

D’habitude, les quatre compères se retrouvaient dans leur restaurant favori avec de grands rires et de grandes tapes dans le dos avant de commander un Spritz puis de la bière. Ce soir-là, Gérard avait décidé d’arriver en avance. Il avait demandé du thé pour tout le monde avant de s’asseoir, l’air inspiré, pour attendre ses amis. Puis, étaient arrivés successivement Pierre et Georges. Avant que n’apparaisse Théo, rouge d’avoir couru.

Les trois derniers arrivés restaient assis en silence devant leur tasse de thé, attendant impatiemment l’annonce de Gérard. Lequel avait mis sa tête dans ses mains pour se concentrer. Aucun n’avait l’habitude de boire du thé. Et leurs doigts gourds avaient du mal à trouver l’anse de la tasse…

« Messieurs !» commença Gérard. Les trois autres s’arrêtèrent de bouger, reposant maladroitement leurs tasses. « Messieurs, j’ai décidé de m’engager pour l’écologie. Vous, moi, le monde entier, nous ne pouvons plus continuer comme ça. La glace des pôles est en train de fondre, le niveau des mers monte et ronge les côtes. Les crues des rivières provoquent des inondations monstrueuses. Des feux gigantesques désertifient des régions entières. Des milliers d’espèces vivantes disparaissent. Des millions de tonnes de déchets envahissent les océans. Vous faut-il davantage d’exemples ? »

Ses trois copains le regardèrent bouche-bée sans savoir quoi dire. Gérard, le boute-en-train de la bande, les yeux brillants, en sueur d’avoir autant parlé, semblait métamorphosé, comme en lévitation.

Il reprit son propos d’un ton sans appel, d’une voix qui enflait au fur et à mesure qu’il avançait dans sa harangue. « Cette situation épouvantable, qui menace la survie même de l’humanité, c’est nous, les humains, qui en sommes responsables. Alors, il nous faut expier ! Et agir ! Nous n’avons pas le choix. J’ai donc décidé de m’en-ga-ger. Pour agir quand il est encore temps ».

« Et tu vas faire quoi ? », lui demanda Théo d’une voix mal assurée, se brûlant la gorge avec son thé. « Je ne vais pas faire. Je fais déjà ! », répondit Gérard d’une voix qui n’acceptait pas la réplique.

« Désormais quand je me lave les dents », reprit-il, « je ne fais plus couler l’eau. Je me douche sans savon. Je vais à pied à mon travail : 5 km aller, 5 km retour par tous les temps. Même s’il pleut. La pluie me fouette les sangs, mais c’est très bon pour la santé. A mon travail ou chez moi, je ne prends plus l’ascenseur. Je passe par l’escalier : 15 ou 5 étages à monter à pied, ça revient au même. C’est bon pour le cœur et le souffle. Sur mon balcon, j’ai commencé à faire pousser, il y a un mois, des tomates, du blé, du maïs et des olives pour commencer à devenir autosuffisant. J’ai essayé de cultiver du café et du riz. Mais j’ai l’impression que je ne vais pas y arriver ».

Et de poursuivre : « En même temps, j’ai en projet de racheter le balcon de ma voisine, une petite grand-mère, pour y installer une chèvre pour le lait et une poule pour les œufs. Je vais aussi essayer d’y mettre un bac de compost pour mes quelques déchets ».

Les trois autres le regardaient, l’air ébahi. « Ah, j’allais oublier, j’ai fait une demande en assemblée des copropriétaires pour installer sur le toit de l’immeuble un récupérateur d’eau de pluie relié à mon appartement pour mes faibles besoins en eau ». Tout en ajoutant, d’un air triomphant : « Vous voyez, les gars, j’ai vraiment pensé à tout ! Maintenant, la balle est dans votre camp. A vous d’en faire autant. La révolution écologique est en marche !

« Et comment tu vas faire quand tu partiras en vacances ? », demanda Luc. « Voyons, Luc ! », lui répondit Gérard avec un air de commisération. « Tu me connais ! Je partirai à pied, sac au dos. Et un peu plus loin de la ville, je finirai bien par trouver à louer un cheval ou un âne. Vous me connaissez, les gars, je suis du genre débrouillard ! »

Ça, pour le connaître, ils le connaissaient, l’ami Gégé : hâbleur, baratineur, vantard, étourdi, flambeur… et un tantinet paresseux. Il n’aimait ni la campagne ni la nature. D’habitude, il renâclait pour faire 100 m et il était le premier à prendre sa grosse cylindrée pour aller acheter une baguette. Gros mangeur, il avalait tout et n’importe quoi. Ses copains étaient habitués à ses foucades et à ses soudains enthousiasmes. Mais là, il semblait avoir bien mijoté son coup. Il donnait l’impression que tout était pensé et planifié.

Seul, Georges, le plus réfléchi de la bande, avait l’air un peu sceptique. « Bon, Gégé, je veux bien entendre tout ce que tu me racontes. Ton plan a l’air crédible. Mais franchement, les plantations et les animaux sur la terrasse, le réservoir sur le toit, j’ai un peu de mal à gober. Et puis, je n’oublie pas tes précédents. Rappelle-toi il y a deux ans : tu nous avais annoncé que tu allais rentrer dans une communauté ecclésiastique pour élever des chèvres. Pour te préparer à ta nouvelle vie, tu écoutais en boucle et à tue-tête des chants religieux et des bêlements de chèvre. Mais tu as arrêté car tu y as attrapé de très graves acouphènes. Rappelle-toi : c’est même moi qui t’avais conduit aux urgences. Tu sais bien que tu as une santé fragile, mon p’tit Gégé. Alors comment, à la longue, vas-tu pouvoir supporter ta nouvelle vie ? Là encore, franchement, j’ai un peu de mal à te croire ! »

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