Pour le premier atelier Classique de la saison 2025 – 2026, Annie Lamiral, intervenante A Mots croisés, a proposé au groupe d’écrire autour du « Point de bascule », appelé aussi tournant narratif, twist ou moment charnière. Il s’agit d’un événement ou d’une révélation qui modifie radicalement le cours de l’histoire ou la compréhension qu’en a le lecteur, un moment essentiel à la dynamique du récit.
À suivre le récit imaginé par Nathalie. Bonne lecture !
Faucheux ou faucheuse ?
En cette fin d’après-midi du 15 septembre 2025, le temps est mitigé. Allongé sur son lit, il est en état de léthargie et l’araignée postée au plafond est toujours là. Il la regarde ou est-ce elle qui le regarde ? Il ne sait plus. Maintenant il compte le nombre de pattes qui bougent et il bat la mesure à chacun de ses mouvements. Pourquoi s’ intéresse-t-il à cette pauvre araignée qui d’ailleurs n’est pas venimeuse. C’est un simple faucheux.
Au féminin, cela fait faucheuse. Pourquoi la faucheuse ne vient-elle pas le voir ? Il fume comme un pompier, boit comme un trou et ne pratique aucun exercice physique, hormis de passer de la position assise à la position allongée et surtout ne pas appliquer les recommandations de la santé publique. Le toubib, il ne l’aime pas. Il s’y rend juste pour renouveler son ordonnance.
C’est décidé, il va adopter. Quoi ? L’araignée ? Il a déjà essayé de la dresser mais elle ne répond pas, même aux ordres simples comme assise, couchée, aux pieds.
Alors, il se sent seul et abandonné. D’ailleurs, sa mère s’est débarrassée de lui à l’âge de cinq ans en laissant à l’aide sociale à l’enfance. Depuis, il a une araignée dans le citron. Non pas un faucheux mais une centaine. Ses terminaisons nerveuses se font grâce aux pattes des araignées.
Ce soir, il a une décision à prendre : adopter un faucheux ou rencontrer la faucheuse pour de vrai. Dans un effort surhumain, il quitte un moment son araignée au plafond pour s’occuper des araignées qu’il a dans sa tête.
Il ouvre l’escabeau, passe sa tête dans la corde à sauter de son enfance après y avoir fait un nœud coulant. À cet instant, tout s’arrête : il n’a pas de descendant ou d’ascendant. Il regarde une dernière fois son faucheux. Et, s’il l’emmenait voir la grande faucheuse. À cette pensée, il sait maintenant qu’il a définitivement adopté l’araignée. Tout se bouscule, il a maintenant un descendant avec qui il peut partager sa triste vie. Un autre dilemme active son cerveau ou du moins sa centaine d’araignées : comment va-t-il la nommer ?
En voulant prendre le calendrier des saints afin de lui trouver un prénom, il loupe la marche de l’escabeau et la corde à sauter se resserre violemment. Il n’a pas le temps de dire ouf que tout fout le camp. Un être humain normal aurait vu sa vie défiler, lui ce sont des araignées qu’il a vues en dernier.
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