« Soirée gaufres »


C’est avec grand plaisir que nous partageons, ​aujourd’hui, la micro-nouvelle de Séverin, l’un de nos followers, qui a répondu à notre défi d’écriture # 2.

Il nous raconte sa « Soirée gaufres », des mots qui vont faire saliver vos papilles et qui sait ?… réveiller des ambiances et des souvenirs ! Bonne lecture ! 

Soirée gaufres

Le poêle à bois chauffe, démesurément. Dehors il gèle, dedans on sue. Les poêles à bois, ça ne se règle pas. Qu’importe, le bois, ça ne coûte rien. Car mon grand-père en a, des bois. Et il est économe. Sur le poêle, siffle une bouilloire. Je crois qu’elle a toujours sifflé, cette bouilloire, autant que je puisse remonter dans ma mémoire. Elle est grise, en alu, ou une matière dans le genre, et son bec bave du calcaire. Je n’ai jamais vu ma grand-mère l’utiliser, mais la bouilloire est là, sur la plaque de fonte du poêle à bois, et elle siffle.

Ce soir, c’est soirée retrouvailles. Mes grands-parents, je ne les vois pas souvent, ils habitent loin. Et pour chaque retrouvaille, ma grand-mère sait me faire plaisir : ce sera « soirée gaufres ». On est dans l’est de la France, les gaufres, c’est sacré, et ça fait un repas, à peine salé par une petite salade verte pleine d’échalotes, en entrée, pour désaturer d’avance les papilles du sucré qui s’annonce. Car après la salade, que je ne mange pas, on place le moule à gaufre électrique au centre de la table couverte d’une nappe aux motifs beiges – mon grand-père tolère un peu de dépenses d’électricité. Ma grand-mère a préparé la pâte à gaufre qui remplit un grand saladier. Le gaufrier est chaud, presque aussi chaud que le poêle à bois. Elle mélange la pâte avec une louche, qu’elle plonge dans le saladier puis relève pour laisser s’écouler le fluide dans un petit bruit mou. La pâte est fluide, ni trop ni trop peu. On peut donc attaquer et la répandre sur la surface du gaufrier puis refermer l’appareil. La pâte chaude gonfle, on attend encore un peu pour que ça cuise bien. Toujours trop bien, avec ma grand-mère, qui attend que ce soit très doré. Je n’aime pas quand c’est trop doré, mais je n’ose pas lui dire, alors je mange trop cuit. Qu’importe, c’est bon. Plein de sucre, de confiture ou de chocolat. Je m’en mets plein la lampe. Cela donne chaud. Il fait chaud. Le poêle est chaud, le gaufrier aussi et je transpire. La discussion autour de la table à la nappe beige n’est pour moi qu’un bourdonnement. Je croque la gaufre, le mélange de pâte cuite et de sucré m’emplit la bouche et envahit mon corps, je me régale. Jusqu’à épuisement du saladier.

Nous repartons de chez mes grands-parents. Dehors, le froid est vif. Dans l’est, l’hiver est rude. J’affronte le choc thermique avec assurance : j’ai mangé un saladier de gaufres brûlantes. Je reviendrai demain, histoire de parler avec Papy et Mamie sans la bouche pleine. En attendant je les laisse, avec leur poêle qui s’éteint lentement, sur lequel trône une bouilloire grise, en alu ou une matière dans le genre, devenue muette.

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