L’écriture poétique est décidément LE style de Anne, celui qui lui « parle » et qu’elle adopte spontanément. Nous vous souhaitons bonne lecture de son récit sur une incandescence programmée.
« Couve feu »
D’une cigarette consumée, il ne reste qu’un petit bout de filtre incandescent
Considéré sans aucune utilité, cet élément toxique est vite jeté
Sans qu’on y prête la moindre attention.
Il finit sa course le long d’une voie ferrée
Pour y rencontrer quelques aiguilles de pin asséchées
Microscopiques étincelles !
De ces brindilles naissent quelques flammèches
Que la tramontane va malencontreusement attiser
Bientôt, monte peu à peu une inquiétante fumée
Comme une traînée de poudre, la pinède va devenir brasier.
Un mégot, quoi de plus inutile
Insignifiant et repoussant
Rebut d’un poison consommé
Alors, s’en débarrasser coûte que coûte
Puisse-t-il n’avoir jamais existé.
Mais à trop vouloir l’oublier
Tout finit par s’enflammer !
Un soir de mai, une octogénaire
A la modeste retraite et à l’allure frêle
A été retrouvée morte dans la salle d’attente
Des urgences d’un hôpital parisien.
Elle avait attendu patiemment
Malgré la douleur qui la tenaillait
Elle avait bien tenté d’interpeller
L’infirmière de garde, puis un interne.
Malgré leur épuisement flagrant et indicible
Tous deux lui avaient répondu gentiment
« Madame, attendez encore un peu
Il y a beaucoup de monde ce soir
Nous faisons tout ce que nous pouvons ».
« Je comprends, mais ne tardez pas
Ma poitrine me fait mal ».
Tout s’embrasa le jour où l’infirmière
Convoquée pour répondre d’une accusation
De non-assistance à personne en danger
Se suicida.
Le feu de la révolte partit d’abord des hôpitaux
De ceux qui se sacrifiaient pour sauver
Puis le vent de la colère gagna
Les quartiers populaires
Pour lesquels l’injustice est familière.
Les villes
Les campagnes s’embrasèrent
Les oubliés ne voulaient plus être méprisés.
A trop vouloir ignorer
Tout finit par s’enflammer !
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