« De fer et de rouille »

Annie a choisi un objet banal du quotidien pour sa métaphore. Sûr qu’après cette lecture, vous verrez la vie différemment !

De fer et de rouille

Une boîte. En fer blanc. Lisse. Brillante comme un miroir. Scotchée tout autour pour garder toute la fraîcheur des petits sablés au beurre, trésors cachés des gourmands. Un couvercle aux couleurs et au lettrage d’une grande marque de biscuits. Ses quatre côtés ornés d’une frise de drapeaux bretons. Elle a perdu sa jeunesse pour réussir brillamment sa mutation en boîte à sucres. Chaque matin au petit-déjeuner, elle offre généreusement ses morceaux de saccharose bien blancs. Ces douceurs qui glissent une à une au creux des cuillères pour aller fondre dans les bols de café au lait brûlant. Quelquefois, le midi, elle part en pique-nique. D’autres fois, elle ouvre ses entrailles aux ouvriers courageux du chantier voisin. La canaille, elle leur propose des canards ! 

Les années ont passé. Les charnières se sont mises à grincer. La rouille commença un peu partout à la piquer. Quelquefois, elle perd l’équilibre, posée sur les assiettes et les tasses dans le placard. Alors, elle tombe par terre. Se cabosse. S’écaille. Les charnières réclament un soin tout particulier pour continuer de bien articuler le couvercle. 

Elle est toujours là. Sur l’étagère. Non, elle n’ira pas à la poubelle ! Comment osez-vous avoir une telle pensée ? Vous ne voyez donc pas qu’elle et moi, nous sommes pareils. Nous avons eu une enfance heureuse. Nous avons fait le régal de nos parents et de notre entourage. Nous avons grandi, changé d’horizon. Nous nous sommes frottés au monde du travail. Notre parcours de vie a été jalonné d’épreuves qui nous ont fait rebondir. L’âge venant, il a fallu nous entretenir pour adoucir les affres du temps. Maintenant, il faut tenir bon. Accepter la vieillesse. Regarder en arrière, fiers et heureux du chemin parcouru. Résister.