C’est Maximilien qui vous livre aujourd’hui une métaphore qui devrait vous emporter … jusqu’aux oreilles ! Bonne lecture !
Une chaîne hi-fi d’une autre époque, dans un carton jauni. Le + sur le +, le – sur le –. Du fil noir au fil noir, du fil rouge au fil rouge. Et l’on visse le bouton en face avant. Et l’on branche la prise de courant avec appréhension. Un son, disgracieux, s’expulse des enceintes et secoue une épaisse couche de poussière. Du Larsen en pleine poire, du bruit rose frotté, refrotté. Chaîne hi-fi défectueuse, occupation pour un mois de repos forcé.
On lui fait bouffer du CD à tire-larigot. De Cabrel aux Guns N’ Roses. Elle recrache, distord, mâchouille les courbes et ne couvre pas. Ou alors, pas comme il faut. L’enceinte gauche siffle. On rafistole et on y met le paquet. Du câble tressé, un réparateur aux doigts d’or, de la résistance neuve. Mais l’enceinte siffle de l’aigu en cascade. Siffle à en faire chialer de fatigue. Siffle quand on ne veut plus l’entendre, et se tait quand on la cherche. On la touche pour comprendre, l’apaiser. On cherche l’onde et ses grésillements qui nous bouffent la vie. On passe et repasse en boucle la même chanson, Les feuilles mortes version Yves Montand, mais le sifflement emporte tout avec lui et impossible de lui en vouloir : la souffrance est partagée.
On l’accepte. Avec ses médiums, ses aigus, ses graves. Sa mélasse sonore et sa persistance de la fausse note. Ce sifflement que l’on étouffe, par la force des choses. Et on la trimballe cette chaîne hi-fi, de pièce en pièce. On en fait un totem là où un brocanteur de misère n’en voudrait même pas pour deux sous. On ne l’allume pas forcément en présence d’autres personnes. Qui peut comprendre ? Sa musique s’écoute en solitaire, à des moments bien précis. Quand tout va bien, pour se rappeler que cela ne durera qu’un temps. Quand rien ne va plus, pour se conforter dans son abattement. On tourne le potard à fond pour faire exploser le sifflement. Et on ne s’étonne pas du sang qui s’écoule de l’oreille gauche, car l’oncologue nous mettait en garde.
Le sifflement grouille et ne s’arrête jamais.
Votre commentaire