« Les Mots de l’été »

C’est avec enthousiasme et passion qu’Adélaïde a profité d’une petite pause pour répondre à notre défi d’écriture de l’été : raconter une expérience inoubliable, un souvenir de vacances, une rencontre surprenante ! Une histoire drôle… ou triste en commençant par ces quelques mots : « C’était l’été de mes dix ans … (ou vingt ou plus) ! » Très vite, elle a trouvé l’inspiration et nous a envoyé son texte. Nous vous laissons tout au plaisir de la lecture de son récit alliant subtilement douceur et puissance.

Les mots de l’été

C’était l’été de mes huit ans, j’étais chez ma grand-mère, lovée dans son canapé vert foncé à pois. Le velours me tenait chaud. Sur une feuille j’écrivais mon histoire, j’avais vu un concours de nouvelles auquel je voulais participer. Je m’étais appliquée à bien écrire. Et hop, c’était envoyé par la poste. Inquiète, j’avais vu mon récit partir, et je n’avais jamais eu de nouvelles de lui.

C’était l’été de mes onze ans. J’étais à la montagne. On alternait randonnées et piscine comme toujours. Et comme toujours dans mon sac à dos de rando ou dans celui de piscine, j’avais un livre. A chaque pause, à chaque moment, il fallait que je lise, que je continue ces histoires. Et lorsque j’étais à court de livre, il y avait cette librairie à côté du supermarché. A chaque fois que ma mère allait nous ravitailler en nourriture, avec mes frères et sœurs, on courait dans ce magasin pour se ravitailler en littérature.

C’était l’été de mes quatorze ans, j’étais allongée sur la plage à tenter de lire laborieusement Manon Lescaut. On nous avait fourni une liste de lecture que je m’efforçais de finir, mais je préférais lire mes livres. La rentrée approchait et je me demandais pourquoi on avait besoin de lire ces vieux auteurs, ces vieux livres alors que tant d’écrivains modernes étaient passionnants. Cette première année de lycée me l’apprendrait. Mais la question continuerait à me tarauder.

C’était l’été de mes vingt ans. Et c’était la révolution ! Pour la première fois je n’avais pas besoin de penser soigneusement aux livres à prendre dans ma valise … J’avais une liseuse et donc en permanence une centaine de livres dans mon sac à dos. Le poids s’était allégé et le choix épanoui.

C’était l’été de mes vingt-deux, trois, cinq, huit, … Les étés ne se ressemblaient pas : montagne, plage, peu d’argent, beaucoup d’argent, à deux, entre amis, en famille … Mais toujours, j’avais avec moi mes livres. Ils m’accompagnaient partout, été comme hiver. Ils me faisaient vivre des aventures et des émotions nouvelles. En même temps que mes voyages, ils me faisaient découvrir le monde.

C’est l’été de mes trente ans. Assise face à la mer, j’observe le soleil qui rougeoie de plus en plus intensément sur la mer. Le vent frais charrie du sable et des déchets tout au long de la plage. J’aime ce vent qui pique, qui se heurte à mon corps et me fait sentir exister très fort. J’aime jouer et danser avec lui pendant que le soleil me réchauffe. Assise sur mon sweat, je profite des instants et contemple les gens. Pour la première fois, ce n’est pas un livre sur mes jambes, mais un carnet. Après toutes ces années à porter les mots des autres, je décide de déposer les miens. Il m’aura fallu vingt-deux ans pour y revenir, à l’écriture. Et mon cœur rayonne de bonheur, comme si ma liberté s’était, enfin, déployée.

Un commentaire sur “« Les Mots de l’été »

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  1. Merci pour ce texte qui reflète si bien la manière dont l’amour des livres accompagne une vie et révèle ce moment précieux où l’écriture s’invite à son tour… Bravo d’avoir osé devenir auteure !

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