« Sam Spade »

Démarrons aujourd’hui notre série de récits avec celui de Annie qui a été particulièrement inspirée par la première phrase du roman   « Le Faucon de Malte » de Dashiell Hammet. 

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Sam Spade avait la mâchoire inférieure lourde et osseuse. Elle seule était intacte, le reste de son visage avait été ravagé par un éclat d’obus. La cavité de son œil droit était vide, son nez était fracassé. Il ne savait pas ce qu’il restait de son oreille gauche, il devait juste la comprimer fermement avec une boule de gaze ouatée. Le sang coulait maintenant le long de son bras. Il avait hâte d’arriver à Paris. Ses douleurs étaient insupportables. La gangrène était sûrement en train de se propager. Il ne voulait pas crever ici. 

Et puis, il n’en pouvait plus d’être dans ce train, entassé avec ses compagnons de combat. Il ne voulait plus ni voir, ni sentir la guerre autour de lui. Bon Dieu, qu’il était en colère ! Lui qui était chaudronnier de métier avait été si facilement sélectionné avec son son 1,90 mètre et son tour de poitrine largement supérieur aux 87 centimètres obligatoires! Il était si fier sous son « slouch hat », son chapeau à large bord sur lequel était épinglé le « Rising sun », le soleil emblème de l’armée australienne ! A peine arrivé sur le front de la Somme, ces salauds de Fritz les avaient violemment canardés, lui et ses camarades, tapis dans les tranchées ! Même pas le temps de se battre et d’en tuer un ou deux !

A travers la vitre embuée, Sam voyait défiler des champs, puis des alignements de petits pavillons qu’il supposa être la banlieue. Sam ne connaissait pas Paris. Originaire d’Adelaïde dans le sud de l’Australie, il s’était engagé dans la Première Force Impériale australienne pour la défense du pays et de l’Empire. Le premier ministre australien, Joseph Cook, n’avait-il pas dit, le 5 août 1914 :  « When the Empire is at war, so also is Australia » *.

Le train sanitaire se mit à ralentir et s’immobilisa dans un immense vacarme métallique. Tout un petit monde en blouse blanche, portant des brassards de la Croix-Rouge, s’affairait sur le quai, envahi de brancards, chariots, brouettes, chaises à porteurs, béquilles…

Sam Spade descendit du wagon, s’avança en titubant vers une infirmière et s’écroula. Mort pour la France.

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« Quand l’Empire est en guerre, l’Australie l’est aussi. » 

 

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