En introduction aux correspondances, nous vous présentons le regard de Nicolas Servissolle, professeur de lettres au Collège Henri-Barbusse, Bagneux, sur le projet.
Qu’est-ce qu’une classe à projet théâtre ? Qui sont vos élèves ? Quelle est votre approche ?
Au collège, il n’y a pas d’option théâtre. C’est une spécialité du lycée. Lorsque nous avons ouvert une Classe à Projet Théâtre pour le collège Henri-Barbusse, il y a trois ans, avec le principal Salvatore Carubia, nous avions dans l’idée de créer un équivalent de l’option théâtre au collège. Les élèves de cette classe spécifique sont des jeunes désireux de faire du théâtre, qui intègrent la « section » au sortir de la 6e et émanent de plusieurs classes de 5e, 4e et 3e du collège. Cet enseignement artistique apparaît dans leur emploi du temps à raison de deux heures par semaine.
Le dispositif auquel j’ai pensé, avec l’aide de Marie-Lise Fayet, directrice du théâtre Victor-Hugo de Bagneux, et que j’ai baptisé LA SEMAISON : UNE SAISON DE THÉÂTRE, est divisé en cinq pôles : une PRATIQUE D’ATELIER (dont j’assume l’animation, ayant passé, à cette fin, une certification théâtre) ; des RENCONTRES & EXPÉRIMENTATIONS (nous avons pu, cette année, rencontrer deux comédiens qui sont aussi auteur ou metteur en scène : Guillaume Le Pape et Arnaud Préchac) ; des sorties qui s’inscrivent dans un dispositif intitulé COLLÈGE AU THÉÂTRE, conçu à partir de Collège au cinéma (il s’agit de permettre aux élèves d’assister à un certain nombre de spectacles, sur temps scolaire et hors temps scolaire – ce dispositif a été abandonné, cette année, en raison de la pandémie) ; une expérimentation d’une semaine entière, avec des professionnels, dans l’enceinte même du collège, intitulée THÉÂTRE AU COLLÈGE, qui consiste à faire venir des artistes en résidence au collège, pour mener un travail avec plusieurs classes dont la Classe à Projet Théâtre (il s’agit, cette année, des comédiens du collectif 2222, avec qui nous avons vécu notre première résidence en 2019) ; enfin, une CRÉATION ARTISTIQUE, avec le metteur en scène François Lamotte (il s’agit, cette année, d’une pièce intitulée Quand revient la nuit, inspirée de la vie d’Antonio Lobo Antunes, un écrivain portugais, et de celle de Luis Sepulveda, un écrivain chilien, qui, tous deux, ont connu deux événements à la fois historiques et tragiques qui les ont marqués à jamais : la guerre en Angola, le coup d’état de Pinochet).
En résumé, sur le modèle de l’option théâtre des lycéens, il s’agit à la fois de donner des éléments de culture théâtrale aux collégiens (à la fois esthétiques et historiques), de proposer une pratique (allant de l’initiation à la création), enfin de les former à regarder des pièces (école du spectateur).
Toutes ces rencontres, sorties, expérimentations ne seraient pas possibles sans l’aide économique et pédagogique de la DSDEN*, ni sans l’engagement financier, artistique, humain du théâtre Victor-Hugo de Bagneux, notre partenaire.
Pouvez-vous nous raconter comment vos élèves ont accueilli ce projet à la fois intergénérationnel ET épistolaire ? Quelles ont été leurs réactions à récemment de nos lettres ?
Ils ont accueilli ce projet avec beaucoup d’enthousiasme. Il me semble que cet enthousiasme est lisible dans leurs écrits. Bien sûr, ils n’ont pas tous le même rapport à l’écrit, et la perspective d’écrire des lettres à des aînés ne les a pas tous séduits de la même manière… Mais, au moment de la réalisation, leur engagement à tous m’a très positivement surpris ! Le résultat est réjouissant, frais, souvent innocent, d’une franchise parfois confondante, d’une justesse capitale : « Avez-vous réalisé vos rêves ? Êtes-vous heureux ? ». Et puis, au milieu de tout cela, cette pensée, sorte de diamant : « Sommes-nous si différents, vous et moi ? » Telles sont les lettres de cette jeunesse-là.
Quel est l’intérêt ,selon vous, de faire se rencontrer différentes formes artistiques, comme le théâtre et l’écriture ?
Le langage théâtral est au confluent de différentes formes d’expression artistique. Ariane Mnouchkine dit avoir appris de Jacques Lecoq que le théâtre n’est pas de la « littérature en costume ». Il ne s’agit plus, aujourd’hui, de servir un texte, de « l’illustrer », comme s’il y avait d’un côté le texte, de l’autre la représentation. On rencontre même, parfois, du théâtre « sans le texte » (c’est le titre d’un ouvrage de Joseph Danan : Absence et présence du texte théâtral). Non, aujourd’hui, comme l’affirme Wajdi Mouawad, au théâtre, « tout est écriture », tout fait écriture : ce que dit l’acteur, ce qu’exprime son corps sur scène, comment il se déplace, l’espace lui-même (on parle de scéno-graphie), le son, la lumière… Dans l’expérience d’écriture au plateau dans laquelle nous tentons, avec le metteur en scène François Lamotte, de plonger les élèves au moment de la création, c’est ce que nous aimerions leur faire sentir, leur faire expérimenter. Du coup, le moment d’écriture que nous avons vécu avec les écrivants d’A mots croisés, outre la formidable rencontre épistolaire, outre le formidable moment d’humanité, de vie que cela a été, s’inscrit dans cette expérience d’écriture de plateau que Joël Pommerat résume avec des mots simples et justes : « nous cherchons quelque chose ensemble ». En écrivant ces lettres, qui formeront le matériau de la résidence d’artistes avec le collectif 2222, les élèves participent à l’écriture de la pièce.
Le projet théâtre dont vous rêvez pour vos élèves ou dont vos élèves rêvent ?
Celui que nous allons vivre, la semaine qui vient, avec les formidables comédiens du collectif 2222 !
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* DSDEN – Direction des Services départementaux de l’Education nationale
Un grand merci à Monsieur SERVISSOLLE pour son investissement dans ce projet auquel ma nièce participe avec enthousiasme et optimisme.
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Nous lui transmettons votre message ! Bonne journée !
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