Fascinée par de nombreux poèmes d’Aragon et de Triolet, Carmen a choisi de s’inspirer de plusieurs d’entre eux, de mêler et entremêler les vers les plus connus. Elle joue avec eux, y ajoute ses mots, ses émotions.
« Toi »
Que serais-je sans toi ?
Je me sens tel Aragon
Un être sans foi ni loi,
Un homme dénudé de sa raison.
Que serais-je sans toi ?
J’ai peur d’imaginer
De vivre le cœur froid,
Et l’âme mortellement vidée.
Car est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Sans douce poésie ni bel amour,
Et que leur esprit ne résiste
À la fureur et l’écume des jours.
Quel est donc le dieu qu’il me faut implorer ?
Pour qu’il exauce mes tristes prières,
Et recevoir l’offrande tant espérée,
De tes mains, Elsa, toi, ma belle guerrière.
Mais, s’il n’y a pas d’amour heureux
Pourquoi souffrir un jour de plus
Je me jetterai dans un grand feu
Délivrer mon corps de l’emprise de Vénus.
Qu’étais-je donc sans toi ?
Toi, qui m’inonde désormais de ton amour
Peu m’importe car pour la toute première fois
Je vois dans la nuit comme en plein jour.
C’est si peu dire que je t’aime,
Et pour quelle grâce divine
Je pourrais être blasphème
Juste pour tes yeux de colombine.
Toi, que tous nomment l’étrangère
De tes flèches ardemment décochées,
Tu as su briser le sort d’un pauvre hère
Qui revit sa liberté retrouvée.
Depuis toi, je rêve d’un grand lit
Aux draps de soie et de blanche pierre,
Quand nos défunts corps enfin réunis,
Verront un matin plus beau encore que celui d’hier.
Qu’étais-je donc sans toi ?
Toi, qui sus venir à ma rencontre,
M’insuffler la vie, la mort tout à la fois
Oublier les heures et toutes les montres.
Tu as su un jour, rien que pour moi
Offrir des trésors plus précieux que tout l’or du monde.
A jamais, tu seras mon Elsa
Et moi, Louis à chaque seconde.
Et, dans tes yeux si noirs
Je vais aller me plonger
Pour chasser mon beau désespoir
Par ta grâce, à nouveau je sais aimer.
=== La photo représente la tombe d’Elsa et d’Aragon, dans le parc du Moulin de Villeneuve, au pied de deux grands hêtres où une musique est diffusée en permanence : la Sarabande de Bach. On peut lire sur la tombe cette phrase d’Elsa Triolet, tirée de la préface de leurs Œuvres romanesques croisées :
« Quand côte à côte nous serons enfin des gisants, l’alliance de nos livres nous réunira pour le meilleur et pour le pire dans cet avenir qui était notre rêve et notre souci majeur, à toi et à moi. La mort aidant, on aurait peut-être essayé, et réussi à nous séparer plus sûrement que la guerre de notre vivant, les morts sont sans défense. Alors nos livres croisés viendront, noir sur blanc la main dans la main s’opposer à ce qu’on nous arrache l’un à l’autre. ELSA » ===
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