« 7 h 15 – 17 h 03 »

Prêt.e à embarquer pour une journée d’inquiétude ? Alors, suivez Adélaïde qui vous invite à un récit où le temps s’étire de façon interminable. Bonne lecture !

7 heures 15.

Nous sommes devant l’hôpital. Il fait encore nuit. Les phares éclairent la voiture verte en face de nous. Il sort de la voiture. Il a conduit jusqu’ici. Il préfère. Il a éteint le contact et je vois sa silhouette noire s’éloigner et entrer par les portes vitrées automatiques. J’aurais aimé l’accompagner, mais il veut être seul. J’espère que ça va bien se passer.

7 heures 20.

Au volant de la voiture, je dépasse le panneau Salouël barré d’une ligne rouge. Je ne vois plus bien la route, et je me rends compte que j’ai oublié de rallumer les phares. Vite, je les allume pour éclairer la nuit. Manquerait plus que j’ai un accident.

7 heures 40.

Je rentre chez ma grand-mère. Elle et ma sœur sont levées. Je viens prendre le petit déj.

– Ça s’est bien passé ?

– Oui bien. Je l’ai juste déposé.

– Il y en a pour combien de temps ?

– Quelques heures, on devrait avoir des nouvelles vers 13 heures. C’est qu’une opération de routine.

8 heures dix.

Je me cale dans le canapé, pose mon PC sur les genoux, clique sur ce triangle pour commencer la lecture de la série. J’ai du temps à tuer. C’est le dernier épisode. Une série tranquille. « Sweet Magnolias ».

8 heures vingt.

Les trois héroïnes accourent sur la scène de l’accident. Les enfants sont dans la voiture, on ne sait pas s’ils vont s’en sortir.

Super ! Vraiment ce qu’il me fallait pour me changer les idées. Je claque l’écran du PC sur le clavier. Manquait plus que ça !

Je vais plutôt aller lire.

8 heures 28.

Je claque le livre en deux. Je n’arrive pas à me concentrer. A chaque mot mes yeux sont attirés sur la porte, comme s’il allait débarquer.

Il faut que je bouge. Ma sœur veut aller faire des photos, je l’accompagne.

11 heures 03.

L’air frais de l’automne me fait du bien. Les feuilles jaunes et rouges sont illuminées par un rare rayon de soleil, vite caché par les nuages.

Midi treize.

Devant mon assiette je mange par automatisme. Je regarde ma grand-mère parler. Je ne sais pas vraiment ce qu’elle dit. Elle radote comme d’habitude. Elle parle d’autant plus quand elle est angoissée. Je n’ai qu’une seule envie. Le silence. Mais je ne peux pas la laisser dans cet état seule. Alors je fais semblant de l’écouter.

14 heures.

L’écran de mon téléphone est désespérément vide. Je le regarde pourtant toutes les deux minutes. Ma sœur non plus n’a pas de nouvelles. Il m’a prévenu, il me l’a dit plusieurs fois, qu’il n’était pas sûr de donner des nouvelles à treize heures. Mais ça ne me rassure pas. Je n’en peux plus de ces murs violets, il faut que je fasse quelque chose pour empêcher mon cerveau de penser. « Je vais faire du shopping, tu viens ? », je demande à ma sœur.

15 heures 07.

Je regarde ce tee-shirt bleu, il est un peu du même bleu que la blouse des infirmières. Bzzz. Bzzz. Mon téléphone, vibre enfin ! Déception c’est ma mère : Comment-va-t-il ? Qu’est-ce que j’en sais moi ! Je n’ai pas de nouvelles ! Mais si ma mère m’envoie un message, c’est que c’est pas normal !

Et là c’est plus fort que moi. Toutes ces pensées que j’ai barricadées jusqu’ici déferlent.

Et si ça, c’était mal passé, cette opération de routine ? On le voit tout le temps dans les séries.

Et s’il ne se réveillait pas de l’anesthésie ? Je l’imagine dans son lit d’hôpital, pâle, amorphe. Moi le visitant semaine après semaine.

Et s’il était mort ? Non, je ne peux pas y penser.

Regardons plutôt cette jolie blouse à fleurs.

15 heures 14.

J’y tiens plus, je tente de l’appeler. Personne ne répond.

15 heures 16.

Je devrais peut-être appeler l’hôpital ? ou y aller directement ?

15 heures 20.

En même temps, l’hôpital nous aurait appelés s’il y avait eu un problème, non ? Je crois que je ne suis plus capable de réfléchir. Je continue de déambuler parmi les rayons de livres. La seule décision que j’arrive à prendre, c’est de continuer à avancer. Et faire semblant de ne pas être inquiète, que tout ça c’est normal. Je crois que j’ai du mal à reprendre mon souffle. Mon téléphone sonne. Ma mère encore. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Je décroche.

– Salut ma puce ! Alors, tu as pu le récupérer ?

– Le récupérer ? Non, je n’ai pas de nouvelles depuis ce matin.

– Ah bon ? Je l’ai eu téléphone vers 13h, tout s’est bien passé. Il devait encore rester un peu. Si tu as pas de messages c’est qu’il faut encore attendre un peu.

J’ai la tête qui tourne. Il va bien. Il n’est pas mort. Il n’est pas dans le coma. Il va bien. Je réponds par automatisme.

– Ah, d’accord. Bon, j’attends de ses nouvelles. Je te préviens quand je le récupère. Mon cœur bat la chamade. Tout va bien. Mon petit frère va bien.

15 heures 47.

J’en reviens pas quand même qu’il m’ait pas envoyé de message pour me dire que tout allait bien. Il aurait pu y penser. Bzzz. Bzzz. Un message de mon frère : J’attends l’autorisation du chirurgien pour sortir. Il devrait passer après avoir fini toutes ses opérations. C’est pas trop tôt, je pense.

17 heures 03.

– C’est bon tu peux venir me chercher ! Alors je me précipite vers la voiture. J’ai besoin de le voir. Pour être sûre, vraiment sûre qu’il va bien. Que cette-fois là, tout s’est bien passé.

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