« Engloutie »

Aujourd’hui, c’est Francine qui vous raconte un rêve où se mêlent sensations voluptueuses et sensations répugnantes. Bonne lecture ! 

Engloutie

Je vais vous confier mon rêve de cette nuit. Un rêve curieux, me laissant une étrange impression d’oppression.

Je suis seule, debout au milieu d’un champ à l’herbe bien verte. Une légère brise fait flotter mes cheveux autour de mon visage et voler une jolie robe à fleurs bleues que je n’ai jamais eue dans mon dressing.

Je me sens apaisée, sereine.

Mes pieds s’enfoncent dans le sol meuble, il avale abord mes orteils, mes talons, puis mes chevilles. Doucement, la terre monte le long de mes mollets en les caressant, progressant jusqu’aux genoux. J’essaie alors de lever mes jambes l’une après l’autre, sans réussir. Je suis calme. L’humus m’absorbe toujours plus, mes cuisses disparaissent. Je me laisse engloutir sans révolte. La gadoue me semble moelleuse. Maintenant, mon torse, la bouillasse me papouille les seins. Elle recouvre mes épaules, continue sur les courbes de mon cou, de mon menton, la commissure de mes lèvres. J’attends de connaître son goût, son odeur.  Cette matière limoneuse bouche mes narines, me rend aveugle, glisse sur mon front et avale ma chevelure. J’ai disparu. Il ne reste plus que le pré verdoyant avec une flaque gadouilleuse.

Désormais, je patauge dans une eau marron, visqueuse. Autour de moi, des animaux étonnants font une farandole, me donnent le tournis. Des bestioles mi-lombric mi-anémone de mer, des poissons aux couleurs vives et nageoires piquantes nagent gracieusement. Des algues enveloppent mon corps, entourent mes jambes comme des liens.

Où suis-je ? Enterrée ou dans de l’eau ?  

Je contemple ce monde irréel. Je n’ai pas peur, pourtant fonce sur moi un grand requin  mauve, gueule grande ouverte, grand trou noir entouré de triangles blancs.

Je me sens secouée, au loin la voix de mon fils m’appelant. J’ouvre les yeux sur son visage souriant. Assise sur mon lit, je regarde le livre d’horreur que je lisais hier soir, posé à côté de moi sur la couette. Je ne suis pas bien sûr de vouloir connaître la fin de ce roman.

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Illustration :

Série « Ébauche d’un rêve » d’Olivia de Bona (2022)

Peinture à l’huile sur bois et gravure

http://www.oliviadebona

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