« Tourments nocturnes »

C’est aujourd’hui Laurent qui vous transporte dans les angoisses nocturnes de son personnage, de la nuit jusqu’à l’aube. Un récit précis à la fin touchante. Bonne lecture !

Tourments nocturnes

La journée avait été fatigante.

Il avait fallu transporter les pierres, les sacs de ciment, les outils, les machines : le nécessaire pour entreprendre les travaux. Cette maison en pleine campagne, il l’avait achetée sur un coup de tête. Elle était en très mauvais état. Il fallait tout refaire, ce qui lui donnait un peu le vertige. Ses amis n’avaient pas compris pourquoi il s’entêtait à vouloir habiter dans cet endroit à l’écart du monde.

La nuit tombait. Le crépuscule jetait ses derniers feux sur la campagne. Les étoiles commençaient à monter dans le ciel, la lune s’était levée. Il n’eut pas le courage de se préparer à dîner. Il n’avait qu’une seule préoccupation : dormir. Il alla donc se coucher au milieu de tout ce qu’il avait apporté péniblement dans la journée. Le matin, il avait juste installé un matelas, posé dessus un drap et une couverture.

Il se coucha, pensant s’écrouler de sommeil. Les fenêtres étaient grandes ouvertes, apportant la fraîcheur de la nuit. Dehors, on entendait le vent passer dans les herbes, les arbres qui craquaient, les hululements d’une chouette, les claquements d’ailes. L’air apportait les odeurs de foins coupés, de l’humidité de l’étang proche.

Déjà plongé dans un demi-sommeil, il entendit soudain un bruit qui le fit sortir de sa torpeur. Comme des trottinements furtifs qui finirent par le réveiller complètement. Il s’assit sur son matelas pour regarder si quelqu’un n’essayait pas d’entrer. Il vit juste une forme grise qui s’éloignait : une souris !

Il se rallongea. Et ferma les yeux. Mais l’anxiété avait à nouveau pris possession de lui et il n’arrivait pas à oublier sa présence. N’avait-il pas fait la plus grosse bêtise de sa vie en achetant si vite cette maison pour qui il avait eu un véritable coup de foudre ? Il avait tout quitté pour elle. Comme lorsqu’il s’était installé avec Elodie, il y a des années de cela. Avait-il seulement réfléchi aux conséquences : tout abandonner pour vivre en ermite à la campagne ? Avait-il assez d’argent maintenant pour continuer à payer les indispensables travaux ? Et puis arriverait-il à vivre tout seul dans cet endroit si isolé ? En clair avait-il suffisamment réfléchi à tout cela ?

Au loin, des grenouilles commencèrent à coasser. On entendait aussi les aboiements d’un chien. Ses angoisses se faisaient plus pressantes, dévalant comme un torrent en crue. N’était-il pas trop tard pour tenter cette expérience de vie ? Il se tournait et se retournait sur le matelas. Il sentait le sommeil lui échapper de plus en plus. Il tentait de s’accrocher à des pensées calmes et agréables. Mais aucune ne restait. Les angoisses continuaient à se précipiter dans sa tête.

Au loin, on entendait le chien hurler. Mais cette fois, un autre puis un autre lui répondirent. Tout un concert d’aboiements plaintifs. Comme un concert des peurs qui le tenaillaient.

Soudain, il se retrouva par terre. Il avait dû dormir d’un sommeil pesant. Pris dans ses tourments, il s’était tourné et retourné sur son matelas jusqu’à en tomber.

Dehors, la nuit commençait à reculer. Il eut alors l’impression que tous les oiseaux de la création chantaient autour de lui. Comme pour lui signifier que les tourments de la nuit s’étaient éloignés. De fait, il se sentait apaisé. Comme quand il retrouvait Elodie. Aujourd’hui, face à l’aube qui montait, il avait l’impression qu’elle n’était pas loin. Il la voyait venir à lui dans la campagne, rieuse, lui tendant les bras.

Elle était partie pour les étoiles. Mais son souvenir lui redonnait le goût de vivre. Peut-être cet isolement et cette solitude n’étaient-ils que le début d’une renaissance.