Journées européennes du Patrimoine
Bagneux – 28 septembre 2019
Aujourd’hui, nous partageons la micro-fiction rédigée par Annie, à l’occasion de l’atelier d’ écriture « Les pierres ont la parole ».
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« Bagneux s’écrit avec un M »*
Tout allait bien … jusqu’ à ce jour de 2016 où j’ai entendu un effroyable bruit métallique accompagné d’un vrombissement assourdissant de moteur qui allait s’amplifiant. J’ai eu chaud, très chaud et puis, j’ai senti un courant d’air frais. Quelques secondes plus tard, un rai de lumière m’a tout éblouie ! J’étais encerclée, déchirée, aspirée. En un éclair, je me suis retrouvée en surface. Moi qui dormais paisiblement, depuis des siècles et des siècles, dans le quartier nord de Bagneux, j’étais soudain réveillée comme la Belle au Bois dormant. Sauf que mon Prince charmant ressemblait plutôt à un chirurgien avec ses énormes lunettes, ses gants de caoutchouc et sa combinaison blanche. Il me sortit avec précaution de l’instrument. D’un geste vif et expérimenté, il m’emporta d’un pas rapide vers une cabane. J’étais maintenant sa proie. Mais qu’allait-il donc bien faire de moi ?
Il m’allongea sur une table, juste à côté d’une panoplie d’outils en tous genres et commença silencieusement son observation. Bientôt, il fut rejoint par d’autres gaillards en blanc. Ils me palpaient, ils me scrutaient, ils me photographiaient sous tous les angles. Enfin, ils me disséquèrent, me taillèrent en fines lamelles, passèrent ces prélèvements au microscope électronique lequel affichait presque instantanément mon histoire sur un écran géant. Ils s’extasiaient devant mes indices de pureté et de robustesse. J’étais mise à nu. Je trouvais personnellement leur approche plus qu’indécente. Certes, j’étais un magnifique calcaire qui aurait pu servir à bâtir une cathédrale comme Notre-Dame de Paris. Sur le coup, je me réjouissais déjà d’une telle destinée ! Mais, ma joie fut vite ternie par l’arrivée d’une équipe d’architectes. Ils déployèrent leurs plans, suivaient du doigt des tracés. Tous souterrains. Les hommes en blanc parlèrent longuement de moi et des autres pierres qui apparemment étaient stockées dans un pièce voisine. Leurs palabres continuèrent les jours d’après. Un matin, alors que je faisais la grasse matinée, je fus réveillée par les bouchons de champagne qui sautaient. Ils étaient une bonne vingtaine à trinquer en scandant : « Au chantier de la ligne 4 ! « , « Vive le métro ! » ou « En avant les brise-roches ! ». Voilà donc pourquoi j’étais là !
Le temps a passé. Vous voulez savoir comment je vais aujourd’hui ? Eh bien, je m’habitue à ma nouvelle vie à la Maison de la 4. Mes week ends sont vraiment tranquilles. Du lundi au vendredi, je vois défiler des petits groupes de jeunes, de vieux, des hommes, des femmes, tous curieux d’en savoir plus sur le chantier et l’avancement des travaux. Ils me regardent dans la vitrine, d’un air ravi. Ils vont pouvoir d’ici un an ou deux prendre le métro pour aller au boulot, voir leur famille et leurs amis ou bien encore partir en vacances. Et moi, j’irai où ?
* Slogan de la RATP utilisé pour la communication sur le projet de prolongement de la ligne 4 du métro de Montrouge à Bagneux
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