« Chacun sa route »

Dernier récit autour du « geste » avec celui d’Alexandre. Une histoire qui démarre toute en délicatesse, mais qui, au final, va se révéler surprenante ! Bonne lecture !

« Chacun sa route »

Sa fille lui réclame pour la troisième fois :

– « Papa, tu viens ». 

Dans l’encadrement de la porte d’entrée de la cuisine, il s’avance couvert de son long manteau en coton gris que lui a offert sa femme Béatrice pour ses 56 ans. D’un geste doux, long et chaud, il pose ses lèvres sur les joues de sa fille et ressent intensément l’odeur et la douceur naturelle de ses longs cheveux lisses de couleur châtain.

Le désarroi profond de Marc lui broie l’estomac et ses yeux remplis de larmes cachent mal sa peine qu’il tente d’enfouir dans les bras de sa fille. Béatrice a l’habitude de le surprendre à l’approche de l’hiver dans ses moments de fragilités passagères. Sa fille et sa femme sont là, toutes deux près de lui à essayer de le rassurer ; leurs mains douces et aimantes étreignent le cou et l’épaule de Marc.

– « Ça va aller chéri, ce n’est pas long deux jours. »

– « Dans un dodo, Papa, tu reviens. »

Le regard quelque peu rougi de Marc balaie la cuisine comme s’il prenait une photo de chaque objet en se remémorant à leur passage un souvenir précis.

Au moment de lacer ses chaussures, son esprit vacille ; une angoisse, une lourdeur diffuse se propage dans son crâne ; il s’assoit pris de vertige probablement dû à la pression ces derniers jours. Béatrice l’observe sans rien dire et mordille sa lèvre inférieure pour se retenir de craquer à son tour.

Après un premier au revoir, Marc se rend compte qu’il a oublié son écharpe malgré le froid rude de la saison, fait demi-tour et croise de nouveau le regard de sa fille qui regarde la télé avec son lapin doudou.

Un geste de la main, le sourire crispé, il empoigne la poignée de la porte d’entrée de sa maison et se dirige vers sa voiture lorsqu’il se rend compte de nouveau qu’il a oublié son badge de travail, comme si quitter sa famille n’était pas déjà si dur.

Enfin, assis au volant de sa Nissan Qashqai, il quitte sa place et prend bien soin de mettre son clignotant à gauche ce qui n’est pas dans son habitude ; trois rues plus loin, il enclenche de nouveau dans le sens inverse en jetant un rapide coup d’œil dans le rétroviseur.

Voiture à l’arrêt, il penche vers l’avant son buste et allonge ses bras sous le tableau de bord pour déverrouiller la manette de réglage du volant et en sort un portable à touche puis compose un numéro :

– « Cynthia, c’est Alain, juste pour te prévenir que je suis dans le train qui part bientôt, je t’embrasse ».

Le ton de sa voix, faussement décontracté, ne fait plus illusion aux oreilles de Cynthia. Ils se sont rencontrés il y a 6 mois lors d’une conférence que présentait Marc lors d’un séminaire de travail au Maroc. D’origine Cap-verdienne, Cynthia n’est pas du genre à se poser des questions et ne veut surtout pas le faire ; elle a envie, donc elle prend et peu lui importe le reste ; son sourire communicant lui donne un charme fou, ses fossettes et sa peau noire satin ont eu raison du parcours de vie que Marc s’est imaginé avec Béatrice depuis 20 ans.

Cynthia se veut être une compagne dévouée pour Marc et continue d’y croire jouant son rôle de future épouse aimante et loyale ; lui, continue sa route, le mensonge comme compagnon.

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