Dernier récit inspiré par notre visite de l’exposition « La poudre de beauté et ses écrins » à la Bibliothèque Forney. Nous vous souhaitons bonne lecture de l’histoire imaginée par Annie !
« Psyché oublié »
Trois jours déjà que je ne vous vois plus, Mademoiselle.
Vous qui d’habitude, au petit jour, passez devant moi en nuisette pour aller vous dévêtir derrière le paravent.
Vous qui revenez en jupon, en faisant des pirouettes pour le faire gonfler.
Vous qui vous asseyez devant moi et réglez mon inclinaison en fonction de la lumière du matin.
Vous qui, pour ce faire, vous penchez vers l’avant, m’offrant généreusement votre jeune poitrine corsetée !
Vous qui vous raidissez pour bien me fixer.
Vous qui ouvrez un flacon en cristal, versez quelques gouttes de crème sur le bout des doigts de votre main droite.
Vous qui esquissez de délicats mouvements circulaires sur votre visage pour y faire pénétrer la précieuse crème à base de plomb et de sels de zinc.
Vous qui prélevez un peu de poudre de riz avec votre chère houppette en duvet de cygne, la pressez sur le dos de votre main, puis tamponnez délicatement vos joues, votre front, votre menton. Votre teint atteint alors le paroxysme de la blancheur. Le voilà lumineux, velouté, transparent, auréolé d’un doux parfum d’iris ! J’aimerais tant y déposer mille baisers !
Vous qui renouvelez le geste avec une poudre plus colorée que vous appliquez sur le haut de vos pommettes. De vrais pétales de roses.
Vous qui enchaînez votre mise en beauté avec les yeux, tracez minutieusement un trait noir de khôl juste au bord des cils de votre paupière droite, puis un autre bien symétrique sur votre paupière gauche.
Vous qui soulignez vos lèvres de rouge rubis.
Vous qui, aujourd’hui, dessinez une mouche sur votre pommette pour révéler votre caractère enjoué et, demain, auprès des lèvres pour vous donner un air friponne !
Mademoiselle, savez-vous combien de fois vous m’avez offert ces instants de grâce ? Ces instants de volupté ? Nous étions si bien, vous et moi…
Mademoiselle, je vous en supplie, dites à vos déménageurs qu’ils m’ont oublié ! S’il vous plaît… « Madeleine, je vous aime ! »
===
Photo : @annyelleparis sur Instagram
Votre commentaire