Attention, chute de pierres… et de textes !

Petit retour en arrière avec deux contributions écrites, à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine. Rappelons ici que nous avions un atelier d’écriture public sur « Les pierres ont la parole », le 21 septembre dernier. 

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Monique nous a transmis «  Faisons parler les pierres »  :

Pierre douce et câline, ta douceur m’apaise

Enroulée, où est le commencement de ton coquillage intrigant ?

Gypse : pierre précieuse et trompeuse. Ne deviens-tu pas poudreuse ?

Terre glaise : De toi, je fais ce que je veux. Tu obéis à mes gestes et tu te figes pour retenir ma décision 

Arbre fossilisé : Rugueuse, tu évoques les disparités de la vie et tu fais bloc. Comment séparer les fibres serrées les unes contre les autres, tu résistes

Pierre calcaire à grains grossiers : Mille petits coquillages se sont rassemblés et se sont soudés pour offrir une solidité et permettre de s’appuyer sur un socle, s’y reposer, construire, aimer

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Quant à Maximilien, il nous raconte : « La  première pierre ».

Les fumigènes mettent à l’épreuve mon nez, mes yeux. La valse policière me traverse, préférant ignorer ma futile présence, et ce pour traquer les hommes en noir qui frappent, cassent et se rétractent. Je ne sais même pas pourquoi l’on manifeste. Pour tout vous dire, il y a quinze minutes, je venais à peine de me réveiller quand j’ai entendu le mégaphone crier « On lâche rien ». Et les odeurs de merguez. Et cette foule sous ma fenêtre qui formait un bloc compact.

Alors j’ai quitté ma chambre de bonne minable, vêtu de mon plus beau peignoir, et je me suis fondu dans la masse. Il y avait une odeur de grande Histoire qui se jouait, un air de « j’y étais » et tant pis si je ne connaissais rien des tensions qui agitaient ces corps à l’unisson. Je devais cesser de mettre le monde à l’écart, mais j’avais encore du chemin à faire. J’ai levé le poing, j’ai chanté, j’ai marché. Et tout cela avant la charge policière.

Explosion de violence qui défrise. Le bloc se disloque et c’est donc, précisément à ce moment-là, que la foule s’est mise à vivre hors de moi. Planté sur cette route pavée, mon corps ne bouge plus. Un mélange de peur, de surprise, de bêtise qui me glue sur place. Là un homme qui tombe, ici un CRS qui charge et moi, cloué, ignoré, incapable du moindre mouvement. Par simple réflexe, après quelques secondes, je me jette par terre et couvre ma tête de mes mains pour me protéger des projectiles qui fusent non loin de mes oreilles.

Une voix, dans mon dos, m’intime de reprendre courage et d’aider celles et ceux qu’elle nomme « camarades ». C’est une femme, avec un bandana, qui m’aide à me relever. À peine le temps de la remercier, elle est déjà à quelques mètres en train d’organiser les troupes et de redonner du courage à ceux qui, comme moi, s’écrasent. Si son énergie avait une couleur, elle laisserait assurément derrière elle une traînée rouge flamme. Son cri me donne des frissons. Mon corps se met en marche et obéit à une instruction hasardeuse : tu dois bouger. Je fais abstraction de ce qui se passe autour de moi et me concentre sur une seule chose, les pavés.

Cette route historique, en piteux état, est faite de pavés. Qu’est-ce qui m’empêche d’en prendre un, de le jeter sur un bâtiment quelconque, au hasard une banque, et d’apporter ma modeste contribution à cette entreprise militante ? La chef de troupe est là, à quelques mètres, elle regarde dans ma direction. Les fumigènes masquent la partie inférieure de son visage,mais son regard, ses yeux verts, me font chavirer dans l’instant.

Je choisis un pavé au hasard, me baisse (plie les genoux, me disait mon père culturiste) et tente de l’entourer de mes doigts tordus.

J’y mets tout mon cœur, toute mon énergie. Cette rage, accumulée dans mon ventre depuis des années. Cette colère qui macère, des heures durant devant ma TV, à écouter les polémistes des chaînes d’information en continu. J’y repense et ça me fout la haine. Je pousse, et rien, ce fichu pavé ne bouge pas. Je pousse encore et mon caleçon, sous mon peignoir, craque. La révolutionnaire aux yeux verts a tout vu et éclate de rire.

Des années plus tard, je repense à ce moment avec elle. Je ne sais toujours pas contre quoi l’on manifestait, mais je me souviens de ce pavé qui était la première pierre de notre histoire d’amour.

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