« Le confort de l’inconnu »

Démarrons notre série de récits sur « Le départ » avec celui d’Adélaïde qui embarque le lecteur sur un chemin sinueux. Le style est poétique, la marche riche en sensations. Allez-y, suivez-la ! Bonne lecture !

« Le confort de l’inconnu »

Le chemin de terre s’élance sinueux entre les buissons, il apparaît caillouteux, difficile. Les feuilles sont bien vertes en ce printemps, et l’air sent l’humidité fraîche. Ce sentier, à peine assez large pour laisser passer une personne, l’inquiète autant qu’il lui promet.

Elle a toujours rêvé de grimper ce sommet. La randonnée va lui prendre plusieurs jours. Elle distingue à peine le paysage autour d’elle alors que l’aube se peint à la lueur des rayons de soleil. Elle tâte ses premiers pas sur la terre encore embuée de rosée. Ses chaussures chaudes et lourdes s’y enfoncent légèrement. Elle laisse sa trace.

Alors que la lumière éclaircit le paysage autour d’elle, elle distingue de mieux en mieux son objectif. Elle ne sait pas si elle va y arriver, si elle en est capable. Elle sent l’angoisse monter. L’envahir. Soudain, l’odeur de la menthe lui effleure les narines, celle du jardin de son enfance, celle du thé à la menthe. Elle inspire profondément. Elle essaye de se calmer. Profites-en, se dit-elle, ce n’est que le début. Savoure un peu ! Tu verras si tu y arrives. Tu verras bien.

Tandis qu’elle prend son rythme de croisière, elle fait glisser la fermeture de son sweat avec un son métallique qui brise le silence du matin. Elle le retire de ses épaules et le range dans son sac. Sur les bords du sentier, les buissons se sont écartés pour faire place à des herbes éparses et quelques fleurs sauvages.  Au loin, très loin, son objectif est gris et massif. Il impose son ombre aux alentours.

Chaque appui sur ses talons lui fait remonter des aiguilles dans les jambes. Ses orteils sont gonflés, compressés. Elle sent sa propre transpiration maintenant. L’odeur fraîche de la verdure s’est estompée. Contre sa peau, ses vêtements accrochent, ils sont durcis par la sueur. Autour d’elle la roche grise est irisée d’émeraude. C’est beau, mais elle n’arrive plus à en profiter. Les groupes de randonneurs amassés à ses côtés l’étouffent après ces journées passées uniquement avec elle-même. Le bruit des oiseaux, le bruissement des feuilles, tout est envahi par les voix des autres.

Le sommet n’est pas aussi solitaire qu’elle l’espérait, et alors qu’elle puise dans les dernières forces de ses jambes pour gravir la crête, elle n’aspire qu’à une seule chose : repartir sur les petits sentiers sinueux, inconnus et solitaires de son départ.

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