A l’issue de la visite de l’appartement de Boris Vian, nos écrivants ont voulu prolonger la rencontre avec l’artiste-ingénieur. Ils ont repris la (re-) lecture de l’une ou l’autre de ses œuvres, se sont mis à écouter du jazz… Carmen, elle, a eu envie de lui écrire …
« Lettre à Boris »
Mon cher Boris,
Ce matin, je t’écris modestement cette lettre,
Tu aurais aimé pouvoir la lire peut-être.
Car, pour aller vers toi,
J’ai laissé tout ce en quoi j’avais foi.
Je voulais te connaître de l’intérieur,
Moi, l’écrivante qui se pense inférieure.
Chacun de mes pas, cité Véron,
Me rapprochant un peu plus de ta maison,
Me font ainsi remonter le temps,
En un tourbillon m’étourdissant.
Quel superbe privilège me fut offert ce matin-là,
En me laissant pénétrer dans ta vie, tout bas.
J’ai touché du bout de mes doigts,
Tout ce que tu as pu toucher avant moi.
Et rien ne semble avoir bougé, terrasse des trois satrapes,
Ignorante que j’étais pensant à des farces et attrapes.
Il me reste bien des mers à traverser,
Pour qu’enfin ton univers je puisse apprivoiser.
Me laissera tu vivre un peu ta vie,
Je découvrirais alors qui je suis.
Tout comme la pétillante Nicole,
Parfois affectueusement, baptisée la belle Bertolt.
Tu serais, j’en suis sûre, si fière de celle
Qui depuis plusieurs décennies est la gardienne rebelle,
De ton œuvre foisonnante,
De ton existence passionnante.
Je me sens tellement petite en face de toi,
Mais tends-moi la main et crois-moi
Je ne montrerais pas ingrate,
Pour te séduire je me couperais en quatre.
Il faut que je te raconte, rien n’a changé dans l’appartement
C’est un intérieur hétéroclite où rien ne ment.
Ici tout est toi, tout te ressemble,
Un curieux bric-à-brac, un joyeux désordre.
Je suis heureuse d’avoir, pour un instant partagé,
Tes joies, tes peines, ton douloureux passé.
Alors ces quelques mots, je te les devais bien
Juste pour te dire merci pour tout et pour rien,
Car dans ma jeunesse fort tourmentée,
Un apaisement tu as pu apporter.
Maintenant, joue, joue au ciel de ta divine trompette
Depuis le 23 juin 1959 au paradis c’est la fête.
Au revoir Boris, à un de ces jours là-haut,
A bientôt l’artiste, chapeau !
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