Vous allez lire maintenant un récit imaginé par Nathalie. Elle y décortique un geste précis pour nous décrire son personnage. Un choix efficace.
Nous vous souhaitons bonne lecture de ce poème … tragique !
« Clap de fin »
Il avance son index sur les touches du code d’entrée.
Son doigt hésite dû aux changements de codes récurrents.
Il sait qu’à la troisième erreur, le système sera bloqué.
Dès la deuxième tentative, son index est pris d’un tremblement.
De retour, après un long arrêt maladie.
Il a déjà eu un entretien pour l’attribution temporaire d’un poste de travail.
Il a dû batailler pour être réaffecté.
Au premier rendez-vous, avec une « jeune louve », qui sans avoir consulté son dossier, lui assène qu’il n’a aucune compétence, ni de maîtrise technique dans aucun domaine pour réintégrer un poste de travail.
Il a effectué des études supérieures.
Mais il n’a jamais voulu se valoriser.
Il ne sait pas se « vendre », il n’est pas un objet que l’on met aux enchères.
Il préfère occuper les postes que les supérieurs hiérarchiques ont pour la plupart peu de considération.
Deux mondes bien distincts.
Leurs préoccupations se portent sur les avancements de carrière.
Ceux qui n’adhèrent pas à ce système, et portent de l’attention pour leurs employés, ne restent jamais très longtemps.
Pourtant, ces « petites mains » font partie du rouage d’un bon fonctionnement.
À 55 ans, il ne reconnaît plus ce lieu, c’est juste son gagne-pain.
Il connaît par cœur cette valse de changement d’affectation.
Celle-ci lui a tourné la tête.
Il sait pourtant qu’il n’est pas le seul à subir cette situation.
Pour certains, elle s’avère bien pire et au lieu de le rassurer un énorme sentiment de tristesse l’envahit.
Cela le ronge de l’intérieur.
Sa jovialité s’estompe face à un système où la reconnaissance est liée à un statut social.
Il pense alors être inadapté à cette société actuelle.
Il est pourtant épicurien, adore la plaisanterie, la loyauté, le partage.
Il aime se rendre utile.
Mais déteste se faire berner.
Se sentir bien, 28 jours dans l’année pendant ses congés, n’est pour lui plus suffisant.
À la troisième tentative, malgré l’intensification de son tremblement,
La porte d’entrée s’ouvre.
Il découvre son bureau provisoire.
Il y jette ses affaires sans égard.
À quoi bon s’investir et y poser ses marques.
C’est sa manière de se protéger.
Bizarrement, aujourd’hui, tout est différent.
Et, il touche un objet oublié par son prédécesseur, avec son index vigoureusement.
Il le prend dans sa main et il découvre un cordage de marin tressé.
Il le trouve magnifique, lui le « Parisien » qui connaît peu la mer.
Et, des doux souvenirs d’odeur iodée, du sable qui colle, des baignades interminables dans une eau fraîche, des bateaux de pêcheurs dans les ports, le transportent un instant.
Il esquisse un sourire.
De ses doigts endoloris, il tente de réaliser un nœud marin.
Le seul qu’il sait faire, est le nœud coulissant.
À cette heure matinale, il ne rencontre que la présence des agents d’entretien
Avec qui il aime échanger un moment de partage, de convivialité.
Aujourd’hui, il ne leur dira pas à demain.
Il monte sur le bureau d’un inconnu.
Des néons blafards solidement fixés, il y attache la corde.
Sa lumière s’éteint.
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