« Droit dans le mur »

Aujourd’hui, c’est Annie qui nous raconte une histoire incroyable dont le personnage principal est une jeune fille. Toute ressemblance avec une situation ayant existé n’est pas fortuite. Bonne lecture !

Droit dans le mur

Maintenant, tout semble urgent. Je ne sais pas ce qui se passe, mais je suis inquiète. Comme tous les autres passagers d’ailleurs. Le bus n’a pas marqué l’arrêt « Rue des Iris ». Un groupe de jeunes hurle : « La porte, s’il vous plaît ! » Les visages sont crispés. Les regards inquiets. « Mais, pourquoi il ne s’arrête pas ? » « Il sait pas conduire ! », « Il est fou, le mec ! » Cacophonie. La situation devient de plus en plus confuse. Le bus zigzague à pleine vitesse sur l’avenue, frôlant des autos en stationnement. Les pneus crissent dangereusement. Hommes, femmes, enfants deviennent de véritables pantins qui s’entrechoquent. Bousculade générale. Cris d’angoisse, pleurs. J’ai l’impression d’être dans un film catastrophe. Je crains le pire. Réflexe de survie. Je m’agrippe. Avance en titubant vers la cabine du conducteur. Il est affalé sur le volant. Inconscient. Des voyants clignotent en rouge sur le tableau de bord. Sur quel bouton appuyer pour couper le contact ? Comment arrêter cette course folle sans accès à la pédale de frein ? Je n’ai jamais conduit de bus, ni même de voiture mais je sais qu’il faut faire vite. Très vite. Le danger se rapproche. On court à l’accident. Noooon.

Je repousse le corps de l’homme vers la vitre de la portière, puis saisis le volant à pleines mains. Je le tourne de toutes mes forces vers la droite. Une seconde plus tard, le bus fait une sortie de route percutant au passage un lampadaire qui plie sans la moindre résistance. Plus rien ne nous arrête. On file droit dans le mur d’un immeuble. J’hurle comme une folle : « Accrochez-vous ! » C’est fini. Le choc est brutal. Le pare-brise vole en éclats. La tôle se froisse en fracas. Projetés les uns contre les autres, les passagers épouvantés s’écroulent par terre comme un château de cartes. Certains geignent, d’autres pleurent.

Un vieil homme, toujours bien rivé à son siège, me regarde, admiratif, la larme à l’œil. « Bravo, Mademoiselle ! Vous vous rendez compte… Vous êtes si jeune … Quel sang froid ! Vous en avez du courage ! Vous pouvez être fière ! Vous nous avez sauvé la vie !… Vous êtes… » Il ne tarit pas d’éloges. Pourtant, je ne l’écoute déjà plus. Je sors mon portable de mon sac et appelle les secours.

« Léa, l’héroïne du bus 188 », Samuel R., journaliste au Parisien Libéré, le tient son titre. Il ne lui reste plus qu’à écrire l’article qui fera la une. Pas plus de 2000 signes. Incroyable cette jeune fille, tout de même ! Quand on pense qu’elle se rendait au lycée pour l’épreuve de philo du bac. Évidemment, elle ne l’a pas passée. Pourtant, quelques minutes après l’accident, elle était toute sereine et rieuse. Il relit ses notes de l’interview. « Vous savez, c’était un truc de ouf ! Du coup, j’ai pas hésité ! Carrément, il fallait le faire ! On risquait grave de tuer des piétons ou des automobilistes à contresens ! Trop heureuse qu’on soit tous, sains et saufs, à part quelques égratignures et quelques bleus ! D’après les pompiers, il paraît que le chauffeur a été victime d’un malaise cardiaque, mais que ses jours ne sont pas en danger. Non, je ne suis pas un héros… ou plutôt une héroïne ! Pour mon bac, on verra l’année prochaine ! En attendant, je vais m’inscrire au permis de conduire et démarrer une formation de secouriste… On ne sait jamais ! »

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