Avec Laurent, vous allez plonger dans une atmosphère étrange, entre rêve et fantastique. On vous laisse tout au plaisir de la découverte ! Bonne lecture !
L’ombre
Il pleuvait depuis un mois. Le soleil se faisait attendre. Cela accablait Baptiste qui, le soir, buvait plus que de raison pour oublier sa situation. Un matin, il se réveilla tard, hagard, le tête lourde de la beuverie de la veille. En regardant par la fenêtre, il constata que, pour une fois, il faisait beau. Il était midi, le soleil était à son zénith. Baptiste décida de sortir immédiatement. Il faisait très chaud et lourd. Autour de lui, les gens allaient et venaient en soufflant, couverts de sueur.
Tout à coup, quelque chose comme un éclair lui traversa la tête. Des dizaines de personnes s’étaient arrêtées et le regardaient interloqués. Un homme se mit à rire à gorge déployée. D’autres suivirent. La rue ne fut bientôt plus qu’un immense éclat de rire. « Et, mon gars ! », l’interpella l’homme qui avait commencé à s’esclaffer. « Tu as remarqué que tu avais perdu ton ombre ? » Interloqué, Baptiste se retourna. Alors que toutes les personnes autour de lui étaient suivies de leur ombre, la sienne avait disparu ! Comment était-ce possible ?
Sous les quolibets, il se retourna à nouveau pour vérifier : il avait effectivement perdu son ombre !
Paniqué, Baptiste se mit à courir. La foule se mit à courir derrière lui, comme s’il était suivi par une immense queue ombragée, lui qui avait perdu la sienne. Il accéléra pour tenter d’échapper à ses poursuivants. Ceux-ci tentaient de l’arrêter en lui jetant des pierres.
Peu à peu, la ville devint moins dense, la foule moins compacte. Baptiste finit par se retrouver en plein désert, complètement seul. Autour de lui, il n’y avait plus que du sable et des pierres. Au-dessus de lui régnait un ciel écarlate de soleil. La chaleur avait envahi tout l’horizon. Il n’y avait nul endroit pour se protéger, pour trouver un peu de fraîcheur.
Accablé, Baptiste chancela, tomba et s’évanouit. Quand il revint à lui, le soleil avait décliné, même s’il faisait encore très chaud. Au-dessus de lui, il ressentit comme un souffle de fraîcheur. Quelque chose ou quelqu’un semblait penché sur lui, comme une forme, un être fantasmagorique.
Une voix étrange s’adressa à lui : « Baptiste, que fais-tu ? » Ce dernier ne savait plus où il en était. Il avait l’impression que son esprit s’était détaché de son corps. Il entendit à nouveau la voix : « Baptiste, que fais-tu ? »
Avec peine, il se redressa et regarda autour de lui. Partout, il n’y avait que le désert. Mais à quelques pas de lui se découpait sur le sable une forme sombre. « Baptiste, c’est moi qui t’appelle », entendit-il. « Moi, cette forme sombre penchée sur toi. Moi qui te connaît mieux que quiconque et auquel tu ne fais jamais attention ! Ce matin, subitement, avec l’arrivée du soleil, j’en ai eu assez de ton indifférence. Alors, je me suis dit que j’avais envie de vivre ma vie, loin de toi. C’est la première fois que cela m’arrivait. Comme une fois de plus, tu dormais, je me suis dit que c’était le moment de m’échapper. Et advienne que pourra ! »
Baptiste n’en revenait pas. Comment cela était-ce possible ? Il était complètement désemparé. Le soleil commençait à décliner et la nuit descendait autour de lui. Qu’allait-il devenir ? Il était seul, perdu, rejeté par ses congénères. Etait-il désormais condamné à errer toute son existence sans ombre.
Peu à peu, il se détendit. Et s’endormit. Il se réveilla au petit matin, alors que la lumière du jour naissant rosissait le sable et les rochers. Il se leva et marcha droit devant lui. Il marchait, marchait, la tête vide comme déconnectée du reste de son corps. Le temps passait. Et il avait l’impression de ne jamais s’arrêter. Il ne savait plus qui il était, où il était, ce qu’il faisait.
Soudain, il reçut un choc violent. Il se réveilla de sa torpeur. Il se trouvait à nouveau dans la ville. Un passant venait, sans faire attention, de le bousculer en le croisant. Baptiste le reconnut : c’était le même homme qui avait ri de lui, le premier, quand il avait découvert la disparition de son ombre. « Excusez-moi de vous avoir bousculé, Monsieur ! », lui dit l’homme, « ce matin, je fais tout de travers ! ». Tous les passants se mirent à le saluer avec la plus grande amabilité, l’air inquiet, se retournant continuellement derrière eux. Malgré le soleil aveuglant, leurs ombres avaient disparu. Oui, disparu ! Tandis que celle de Baptiste le suivait fidèlement, comme elle le faisait depuis toujours.
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