C’est « Corentin Verucchi » qui ouvre le bal des « Portraits en duo ». Après lecture de la grille d’Alexandre qui a dépeint son personnage dans les grandes lignes, puis un court temps de réflexion pour libérer son imaginaire, Christine a construit son récit. Inutile de vous dire que le moment de lecture partagé a suscité l’émerveillement et l’enthousiasme de notre duo improvisé, mais aussi de tout le groupe d’écrivants !
Nous vous en souhaitons bonne lecture !
CORENTIN VERUCCHI
Son premier et unique amour l’a quitté le jour de la Saint-Valentin. Il est marqué par cette date et pleure comme un enfant tous les 14 février. Il a peur des filles et des femmes en général.
Il a travaillé pour les pompes funèbres comme son père, mais l’odeur nauséabonde de ses pieds, a failli réveiller tous les morts du cimetière de La Pérouse. Il a donc été licencié. Il s’ennuie la plupart du temps. Il est célibataire. Il continue par contre à se balader régulièrement dans les cimetières.
Sa mère l’a brûlé en lui donnant le bain ; il a subi plusieurs opérations des membres inférieurs et a passé une partie de son enfance en fauteuil roulant.
Il a peu d’amis. Ses collègues des pompes funèbres lui rendent parfois visite. Ils l’écoutent raconter ou plutôt fantasmer sa vie et se moquent de lui. Cela tourne souvent au vinaigre entre eux et Corentin finit toujours par les mettre à la porte.
Il rend service à sa voisine de palier, lui rapporte du pain y compris quand elle ne lui demande rien. Elle entrebâille la porte et attrape la baguette encore chaude sans jamais le laisser entrer à l’intérieur de l’appartement. Il sent trop fort.
Un matin, elle lui a offert une crème nourrissante et rafraîchissante (pour les pieds), mais Corentin n’a guère apprécié ce geste et l’a privé de pain pendant plusieurs semaines. Corentin ne prend plus de bain ; il est échaudé, rappelez-vous.
Et cette odeur, c’est à cause d’elle que les filles ne l’approchent pas. Qu’en est-il de l’odorat de Corentin ? Difficile de savoir. La seule femme dans les bras de laquelle, il ose encore se lover, sont ceux de sa grand-mère.
Plus le temps passe, plus il a peur. Peur de tout. Alors, il a pris l’habitude pour dompter cette angoisse, de se raconter des histoires auxquelles il finit par croire. On le croise de plus en plus souvent dans le quartier en train de parler seul et de ricaner sans raison apparente. Il déambule, fait semblant ne rien voir. Les petits commerçants le guettent et s’inquiètent.
Corentin Verucchi, est-ce réellement son nom ? Quand il passe devant la caserne des pompiers, il fait un signe de croix. Il est devenu la mascotte de l’arrondissement. La bienveillance des uns, la méfiance des autres ne l’aident pas.
Dans la lumière éclatante d’un matin de juillet, Corentin Verucchi est mort, se jetant sous la camionnette des pompes funèbres. Dans les allées du cimetière, le jour de son enterrement, il m’a semblé que le vent soufflait des effluves nauséabondes. J’ai interpellé les croque-morts. Ils m’ont expliqué la situation et raconté la petite histoire de Corentin Verucchi.
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