Première héroïne de notre série, sortie de l’imagination de Nathalie : une femme prise dans une spirale infernale ! Un récit fort et convaincant.
La face cachée d’une héroïne
La pression du travail, des enfants à éduquer seule, l’entretien de la maison avec toutes les tâches ménagères m’incombent. Me voilà prise dans une spirale infernale où, tous les jours, je dois faire bonne figure. Être au top de la forme, pas le droit à l’erreur, pour mon entourage, mes collègues, mes supérieurs hiérarchiques.
Trois enfants à nourrir, aimer, choyer, satisfaire chacun d’entre eux, ne me laissent ni répit, ni relâchement. Le petit dernier a de la fièvre : Hop ! Un Doliprane une demi-heure avant de le déposer à l’école. Mieux vaut effectuer un aller-retour de deux heures dans les transports en communs, que de ne pas se présenter à son poste de travail. Je sais d’avance que la direction de l’école va m’appeler en plein milieu de la réunion hebdomadaire pour que je ramène Mathéo à la maison et consulte le médecin. Cela ne créera pas d’ambiguïté sur l’état de santé de l’enfant par rapport au boss et ses collaborateurs. Je n’ai pas le choix, si je veux que ce contrat de travail soit renouvelé et essayer d’obtenir une petite augmentation.
Je n’en peux plus, les nuits blanches se succèdent. J’ai écumé tous les remèdes naturels pour garder un semblant de force et faire face aux factures impayées qui s’accumulent. Jamais, je n’aurais dû aller à cette soirée organisée par le directeur adjoint.
Ce soir-là, totalement épuisée j’avais réussi à faire garder mes trois loustics adorés, par la fille de mes voisins. J’aurais mieux fait de m’abstenir, quitte à me confondre dans des excuses interminables. Voilà ! La fête bat son plein et je me sens comme une loque qui ne pense qu’à se reposer un peu. Les convives sont gais et dans une forme olympique. Ma collègue, Sylvie, qui s’occupe seule aussi de ses quatre enfants est présente et comme toujours pleine d’entrain. Elle va et vient, et parle avec tout le monde. Elle danse, tournoie sur elle-même. Pour plaisanter, elle sait que je la surnomme « la pile Duracell », car elle est comme dans cette pub : elle fonctionne au-delà de toute espérance et je l’envie. Voyant mon peu d’entrain, ma fatigue récurrente, elle m’amène dans une pièce contigüe et calme. Là, elle me sort un discours me disant qu’on ne vit qu’une fois et de profiter de tous ces moments de fêtes. En rigolant, elle imite notre boss « les soucis, la fatigue.. c’est juste bon pour les loosers ».
En deux secondes, je récupère au creux de ma main deux petits sachets. Elle me donne le mode d’emploi pour optimiser l’utilisation de ces substances. Le premier pour être en super forme, le second pour décrocher des soucis, planer et prendre du recul sur les difficultés du quotidien. Je l’écoute avec attention pour ne perdre aucune miette de ses précieuses explications. Ni une, ni deux me voilà requinquée et je rejoins tous les participants avec une « patate du tonnerre », expression favorite de mon fils aîné de 13 ans.
Ha ! Quel bonheur d’avoir l’impression que le monde vous appartient ! Tous mes soucis qui m’ont tracassée depuis des semaines, des mois se sont envolés comme par magie. J’adore cette soirée, cette fête, ces gens qui respirent le bonheur. Je suis grisée, joyeuse. Je retrouve l’insouciance de mes 18 ans.
La soirée se termine au petit matin, et j’enchaîne avec le petit déjeuner pour mes trois enfants avec des blagues, des devinettes. Ils me regardent avec de grands yeux et ils sont heureux de voir leur maman métamorphosée.
Dans l’après-midi, tout change et je déchante très vite. Je sens une boule monter dans ma gorge : non, surtout ne pas revenir à cet état de stress, de surmenage. J’irais décrocher la lune pour retrouver cet état de bien-être et d’euphorie que j’ai ressenti pendant plusieurs heures. Mes enfants ne me regardent plus comme ce matin, ils veulent et réclament des blagues, des fous rires. Surtout, ne pas les décevoir et il me faut cette énergie pour également terminer la mise en page du projet pour mon boss. Il l’attend demain à la première heure.
Ni une, ni deux, je m’isole un instant dans la salle de bain et absorbe le reste du sachet de la veille pour retrouver cette « pèche », cet enthousiasme à toute épreuve. Ho ! Oui, j’ai eu ce qu’il me fallait. J’ai déplacé des montagnes pendant plusieurs mois. Et, même lorsque mon banquier s’inquiétait de ce découvert qui se creusait, je le laissais causer et lui promettait que d’ici la fin du mois toutes les dettes seraient réglées. Erreur ma petite ! Non seulement, ton découvert se creuse. Et, pour stabiliser ton humeur, tu passes des rails de coke, à des injections d’héroïne, en augmentant toujours les doses.
Voilà ! Histoire banale de certaines pour garder la tête hors de l’eau et flotter dans ce monde qui demande une énergie sans faille. Je ne suis pas une héroïne au sens chevaleresque comme dans les livres, je suis une héroïnomane en perdition. Je me suis juste contentée de faire des « cocktails survitaminés » pour me convaincre que la société me demandait toujours plus.
La véritable héroïne fut cette jeune médecin addictologue qui m’a prise en charge et sortie de ce tourbillon de mes chimères. Elle a su me convaincre que personne sur cette planète ne peut être des surhumains sans ses doutes, ses joies et ses peines.Peut-être, être une petite héroïne qui grâce à une aide précieuse a réussi à décrocher et à regarder la vie telle qu’elle se présente ?
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