A la suite de la première proposition d’écriture (voir actu précédente), Joanna nous a proposé un exercice d’écriture plus long autour des homophones, à partir de cette poésie de Raymond Devos :
Je hais les haies
Qui sont des murs.
Je hais les haies
Et les mûriers
Qui font la haie
Le long des murs.
Je hais les haies
Qui sont de houx.
Je hais les haies
Qu’elles soient de mûres
Qu’elles soient de houx !
Je hais les murs
Qu’ils soient en dur
Qu’ils soient en mou !
Je hais les haies
Qui nous emmurent
Je hais les murs
Qui sont en nous !
Il nous reste à vous souhaiter joyeuse lecture des créations imaginées par Adélaïde, Maximilien, Francine, Louise ainsi que Virginie.
Ajoutons enfin que tous nos écrivants ont pris beaucoup de plaisir à s’inspirer de l’esprit de Raymond Devos. Un atelier d’écriture qui s’est déroulé dans la bonne humeur et s’est terminé dans les rires !
« Dévaler » par Adélaïde
Il a dévalé. Quoi me direz-vous ?
Mais la vallée. Pour aller chercher du lait.
C’est bien le travail d’un valet après tout.
Il va où il doit. Il en a profité pour lancer des dés,
Et son argent s’est envolé. Dépité, désespéré,
Il a décidé de se consoler à la liqueur de lait. Celle-ci avalée,
Ses pas ont joué des dés et la pente a été dévalée.
« Vinsobres » par Maximilien
On zigzague à Vinsobres et on s’y trouve heureux. On titube jusqu’au rond-point dit « de la Cuve » en toute sobriété. On déambule jusqu’à la sacrée descente qui débouche sur la queue de pelle. Vinsobres est une ville très arrosée. On n’y trouve un bar, Le petit gris, qui sert un excellent vin jaune. À Vinsobres, point d’opprobre, On vint et on revint. Pas pour son curé et ses vendanges. Ni pour le vin de messe et la part des anges.
« Bonny-sur-Loire » par Francine
Sur la route de retour d’un week-end en famille dans le Loiret, je m’arrête à la boulangerie de Bonny. Etant d’une grande curiosité et aimant connaître l’appellation des gentilés de nos petites villes de province, je lui demande le nom des habitants de sa commune.
Elle me répond fièrement :
« Nous sommes les Bonnychons »
« Et ils sont beaux ? » me renseigne-je.
« Les miens ? »
« Non ! Vos concitoyens et est-ce qu’il y a des Bonnychonnes ? »
« Oui, mais on préfère dire qu’il n’y a que des Bonnychons à Bonny. »
Je sors de la boulangerie avec mon pain sous le bras en remerciant tous les saints.
« Une pomme » par Virginie
J’aime une pomme
Une pom-pom girl
Une pomme d’api
Une dame paumée
« Un village autologique » par Louise
J’arrive dans le village, affamée, et je vois que tous ses habitants sont moroses. Ils marchent la tête baissée, à contrecœur, ils traînent leurs pieds si bien que chacun de leurs pas fait racler le sol. Des rides soucieuses ne quittent pas leur front. Mais rien ne peut atténuer mon appétit car je marche depuis des heures. Je rentre donc dans une boulangerie à la devanture miteuse, aux couleurs délavées, et à la façade fissurée, couverte de tâches grisâtres. La boulangère m’accueille par une grimace, elle semble frappée par une forme avancée de la même maussaderie ambiante.
- Bonjour, dis-je avec mon plus grand sourire, puis-je avoir une baguette, s’il vous plaît ?
- Mouuuuuuuuuais, répondit-elle avec emphase.
Je la vis s’affairer tout en lenteur, comme si elle se mouvait dans un matériau plus solide que l’air, qui entravait ses mouvements. Dix minutes plus tard, j’eus ma baguette, je payai et je me précipitai hors de la boulangerie. Cet achat m’avait plus fatigué que toute ma longue promenade.
- Bonne journée !
- Mouuuuuuuuuais, répéta-t-elle.
Sur la place principale, un homme tirait sur la laisse de son chien pour le faire avancer en maugréant, mais il mettait si peu de conviction dans ses gestes que le chien se coucha et s’endormit. Ma baguette dévorée, je me sentis si engourdie et mélancolique que, effrayée de pouvoir être touchée par l’apathie des villageois, et la laideur triste des environs, je quittai les lieux.
Le soir venu, de retour chez moi, on me demanda :
- Elle était bien ta randonnée ?
– Mouuuuuuuuuais, répondis-je.
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