Nouvelle autofiction avec celle de Louise. Un récit tout en délicatesse. Bonne lecture !
Fin de chantier
Je refis le tour de la modeste bâtisse, vérifiai les clous plantés dans les lames de bardage, ceux que j’avais un peu tordus en positionnant mal la cloueuse, ceux auprès desquels on distinguait l’impact d’un coup de marteau maladroit… Je voyais beaucoup de défauts. Par exemple, il y avait aussi ces fils agaçants qui dépassaient du mur extérieur et qui attendaient leur raccordement à une lampe. Mais les transporteurs prenaient trop de temps, leurs pièces allaient et venaient dans des pays étrangers sans que je sois parvenue à comprendre pourquoi ils ne livraient pas à mon adresse. Tant pis, j’avais décidé de présenter la maison telle quelle, avec ses imperfections.
Les premiers à arriver furent ma belle-mère, son fils et mon demi-frère. J’aurais aimé voir mon père aussi, mais il était mort depuis déjà cinq ans. Ils garèrent la voiture sur le bord de la route et le plus rapide fut leur chien, Tao, qui fila droit sur moi, me sauta dessus malgré leurs protestations et mordilla mon écharpe. Puis, réalisant son emportement, il saisit sa patte avant dans sa gueule et la croqua allègrement pour éviter de m’importuner plus mais pour continuer à décharger sa gaieté.
Tout le monde fut ébahi par ma construction. Pendant plusieurs années, même si j’avais été aidée et conseillée par des professionnels, j’avais consacré nombre de mes week-ends à mettre debout, seule, cette maison. Ils pouvaient enfin voir le résultat, constater qu’on pouvait y loger, que presque rien n’y manquait en dépit de sa petite taille. J’avais dû tout apprendre, mais j’avais réussi.
Emma arriva peu après, avec nos deux chiens. Elle connaissait déjà les lieux, tout ce qu’ils m’avaient donné comme peine, la lutte contre les termites, l’isolation qu’il fallait terminer avant la venue de l’hiver, la mise en place de la charpente… Même si ça ne l’intéressait pas beaucoup, elle m’avait accompagnée, nous avions dormi dans une tente ou sur les fondations en béton le temps d’achever le toit. Mais, cette fois, nous pouvions ouvrir une bouteille de champagne et célébrer ce grand pas vers l’autonomie.
Nous étions enfin chez nous.
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