Adélaïde a choisi de construire son récit par date. Une autofiction convaincante, forte et émouvante ! Bonne lecture !
Le choix
Jeudi 18 décembre 2019
Je monte lentement les escaliers en colimaçon. Le bois grince. Les murs s’écaillent. Mon cœur tambourine dans ma poitrine.
J’y suis, devant cette porte. A côté, une plaque dorée : « Mme B, psychologue clinicienne, psychanalyste ». Le bouton pour sonner, pour entrer est tout petit, juste en face mes yeux. Pourtant je n’arrive pas à lever ma main pour y appuyer.
Mais qu’est-ce que je fais là ?
Je dévale les escaliers, repousse la porte et sort dehors.
Lundi 24 février 2020
Je monte les escaliers. Une marche par une marche. J’ai le cœur lourd, les jambes lourdes, la tête lourde. Envie de pleurer. Deux petits étages et j’y serais dans ce bureau sombre, parmi ces étrangers qui partagent mon quotidien. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir continuer à y aller.
La journée s’écoule, interminable. Un long fleuve tranquille. Trop tranquille. J’espère recevoir au moins un mail. En attendant, j’essaye de combler l’ennui, je lis des articles, je joue à des jeux sur internet. Je fais semblant d’être occupée.
Malgré tout, j’ai l’impression que mon cerveau s’atrophie.
Mercredi 22 avril 2020
Depuis un mois je ne quitte plus mon lit. J’ai une bonne excuse, c’est confinement. Je n’ai plus de mission, c’est un soulagement.
Et pourtant, et pourtant, je suis là sous ma couette. Le soleil brille dehors, en moi c’est la nuit noire. Je ne sais plus quoi faire. Je n’arrive plus à penser.
Mercredi 13 mai 2020
Je me suis levée ce matin. Y. a eu l’air surpris. Il m’a fait un tel sourire. Ça m’a fait mal au cœur. Il est là, aux petits soins, et moi je ne fais que le décevoir.
Il faut vraiment que je fasse un effort.
Vendredi 16 juin 2020
J’ai une nouvelle mission au travail. Une nouvelle raison de me lever chaque matin. L’équipe est sympa, le travail est facile.
Mais la nuit, je rêve que je suis un zombie dans le métro.
Lundi 14 décembre 2020
Chaque jour se ressemble, se lever, s’habiller, travailler, s’occuper l’esprit : série, livre, internet. Il faut absolument s’abrutir.
Aujourd’hui, à nouveau, Y. m’a demandé d’aller à une soirée avec lui. J’ai dit que j’étais trop fatiguée, que ce n’était pas trop mon truc.
La vérité, c’est que j’ai envie d’y aller moi aussi. On arriverait, on dirait bonjour, les gens demanderaient des nouvelles et il faudrait répondre, décrire son quotidien. Sauf que je n’aime pas ma vie, je ne la trouve pas intéressante. Alors au bout de cinq minutes je ne saurais plus quoi dire. Je commencerai à me mettre dans un coin, à sourire de loin. Je les regarderai tous rire, s’amuser, comme si l’existence ne pesait rien. J’essaierai de faire semblant, d’être comme eux. Mais je n’aurais qu’une envie : m’enfuir.
Mardi 23 mai 2021
Avec Y., on se sépare. Il en a eu marre que je reste toujours à la maison. Il en eu marre de me porter. Je le comprends.
Alors voilà, nouvel appart, nouvelle routine, toujours la même solitude.
Lundi 16 janvier 2023
Un lundi soir comme les autres. Je suis chez moi, dans mon canapé, devant une série.
Et je n’en peux plus.
Chaque jour je lutte pour me lever, et faire semblant que c’est enfantin.
Chaque jour je tente de profiter, et j’échoue.
Alors il faut choisir : Appeler Mme X et continuer à vivre ou trouver une solution plus définitive.
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