Nouvelle autofiction avec celle de Francine qui nous transporte dans le milieu artistique. Bonne lecture de son récit… très réaliste !
Le rêve réussi
Malgré la désapprobation de mes parents et de mon conjoint, j’avais repris mes études tardivement, à plus de 30 ans, d’arts plastiques en cours du soir. Une période compliquée de ma vie où j’ai dû concilier une vie familiale avec deux enfants en bas âge, un travail stressant et prenant dans la journée, les cours le soir. Au bout de quelques mois de cette vie de folie, j’avais pris la résolution de faire une pause de ma vie professionnelle pour me consacrer à mes cours et ma passion. Je ne savais pas encore ce que me réservait cette vie de bohème et comment elle allait provoquer des changements importants dans ma vie familiale ; un divorce et une bataille pour la garde de mes enfants. Ce fut une période tellement intéressante et heureuse. J’y avais fait des rencontres curieuses, inspiratrices, merveilleuses mais toujours formatrices.
Des rencontres qui se sont succédées avec des artistes paumés, ambitieux, caractériels et pour certains plein de talent. Début 1989 dans une rue de Paris, j’ai fait la rencontre un adolescent qui se cherche, passionné par l’histoire mais avec déjà un très bon coup de bombe, qui allait devenir le graffeur C215. En juin 1990, au Musée du Louvre, j’ai assisté à une conférence animée par un ancien élève des beaux-arts, un cours sur le noir « l’outrenoir » et la lumière comme matière par un artiste de 70 ans, Pierre Soulages. Il travaillait sur les vitraux de l’abbatiale de Sainte Foy de Conques et il nous avait expliqué avec passion son grand projet. Fin 1990, j’assistais aux débuts prometteurs d’un autodidacte solitaire, Philippe Pasqual lors de son exposition à l’Espace Confluence de Paris. Et moi, je me suis fait une petite place au milieu de toute cette faune. J’arrivais tout juste à survivre de mon art, comme on dit c’était le temps des vaches maigres. Après toutes ces années de petits boulots, de peintures « alimentaires », l’année 1992 allait me donner de l’espoir et me conforter dans mon choix d’artiste.
Enfin un galeriste du quartier du Marais, Carré d’Artistes, m’avait proposé d’accrocher quelques-unes de mes toiles avec d’autres peintres inconnus mais en devenir. Une occasion de se faire connaître du grand public. C’était la chance que j’attendais, que je n’osais plus espérer, mais que je rêvais. Enfin, voir mes dessins, mes couleurs sur ces grands murs blancs avec le bon éclairage, mis en valeur pour tous ces futurs regards curieux ou indifférents.
27 janvier 1993, le jour du vernissage approche. Dans deux jours, hasard du calendrier, ce sera le jour de mon anniversaire. Les invitations ont été mises sous enveloppes et envoyées, le meilleur photographe a été choisi et réservé, le traiteur de renom et le champagne millésimé ont été commandés. Le ministre de l’Éducation et de la Culture, Monsieur Jack Lang, sera présent, ainsi que quelques célébrités ; Serge Gainsbourg avec sa Jane, Jean-Paul Gaultier accompagné de plusieurs mannequins, Bernard-Henri Lévy et sa femme Sylvie Bouscasse, et bien d’autres. L’organisateur Monsieur Templon, de la galerie du même nom, n’avait pas lésiné sur les moyens. Il devait bien croire un peu en nous, en notre talent. En effet, Jean-Paul Gaultier avait craqué sur une de mes petites toiles abstraites et l’avait offerte à Madonna. Les portes de la consécration se sont ouvertes par les États-Unis.
Aujourd’hui, j’ai toujours mon petit appartement à Bagneux, mon point d’ancrage. Malgré mes voyages dans le monde, au fil de mes expos ou rétrospectives, de chambres d’hôtel en aimables hébergements chez des personnalités, j’aime savoir qu’un petit chez moi m’attend. Mes enfants sont grands, ils sont fiers d’avoir une maman célèbre. Ils seront là, demain soir, pour mon vernissage à la Maison des Arts de Bagneux où je suis heureuse et comblée d’exposer dans ma ville.
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